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Critique : 22 Jump Street
A l’origine, 21 Jump Street était une série télé sérieuse dans laquelle une bande de flics infiltrés dans un lycée venait en aide aux ados en perdition. Le premier long métrage n’avait plus rien à voir avec les épisodes mettant en scène Johnny Depp et ses camarades et pour cause, Sony ayant décidé de confier le renouvellement de la franchise à Phil Lord et Chris Miller.
Les deux génies derrière ce qui est sans doute le meilleur film de l’année jusque là (La Grande Aventure Lego) reviennent au « live » avec une suite des aventures de Channing Tatum et Jonah Hill naturellement intitulée « 22 ».
Et il semblerait que le résultat soit au moins égal au talent des deux bonhommes.
22 Jump Street – 27 août 2014
Réalisé par Phil Lord et Chris Miller
Schmidt et Jenko sont de retour ! Après avoir infiltré un lycée avec succès, les deux flics aux relations inhabituelles se retrouvent à la fac pour serrer des dealers de drogue (et pourquoi pas tout ce qui leur tombe également sous la main). Mais les suprises désagréables sont elles aussi au rendez-vous…
21 Jump Street, remake d’une série policière des années 1980, a su créer la surprise en transformant ses enquêtes dramatiques en buddy movie décomplexé et généreux. Un virage à 180° en somme, qui au final donne surtout l’impression d’avoir forcé les scénaristes à s’engager encore plus profondément sur la voie métatextuelle pour justifier une suite qui paraissait assez peu nécessaire.
Après un résumé du premier opus (façon série télé) et quelques minutes d’exposition, le film reprend à peu près là on on nous avait laissé il y a deux ans. Nos deux flics amourachés s’infiltrent donc à l’université pour démanteler un réseau de trafic de drogues, et vont sur leur chemin rencontrer des individus susceptibles de remettre en question leur relation jusqu’ici symbiotique.
C’est autour de cet axe de comédie romantique déphasée, et appliquée à deux hommes liés par un amour fraternel et ubuesque, que le film est construit. Il s’agit là de l’enjeu majeur développé par le scénario, à tel point que l’enquête policière s’efface presque entièrement face à cette exploration de la mécanique qui lie généralement les deux pôles des films de potes.
Les péripéties présentées sont ainsi relativement prévisibles : quand l’un des héros va trouver un autre « bro » visiblement plus en harmonie avec ses centres d’intérêts, l’autre s’embarque dans une relation amoureuse tout aussi dangereuse pour le couple initial. Lorsque l’un doit réapprendre à apprécier la nature de leur relation, l’autre doit se découvrir le courage de traiter son partenaire avec respect et égalité. Bref, la dynamique d’ensemble repose intégralement sur le décalage opéré entre film d’action macho et rom-com existentialiste. Par conséquent une grande majorité des gags en découle, ce qui souligne avec toujours plus d’insistance le caractère métatextuel du film, et le fait que nous avons à faire à une suite consciente de son statut d’objet cinématographique.
Ce trait se retrouve cependant dans tous les aspects du film, et pas seulement dans la problématique précédemment mentionnée. Lorsque le capitaine de police amorce un monologue sur le budget du département, il parle évidemment du budget du film, et quand Schmidt et Jenko se révèlent incapables d’exceller dans toute autre mission que celle remplie lors du premier opus, les scénaristes explicitent ouvertement leur approche au public, etc.
Cette conscience de soi pousse le film à mener sa métatextualité aux limites extrêmes de la rupture de la suspension d’incrédulité, au risque de perdre quelques spectateurs en cours de route. Certaines sont si ouvertement second degré que l’on s’attend parfois à ce que les personnages brisent le quatrième mur pour inscrire le métrage dans le registre parodique. Cette transition ne se fait jamais, ce qui prouve que les scénaristes ont su définir leurs limites correctement, restant en équilibre sur la corde raide les séparant du précipice communément appelé « le cynisme ».
Dans leur amour pour le genre qu’ils exploitent, les réalisateurs nous resservent la même sauce qu’en 2012, déroulant une mécanique narrative efficace quoique peu surprenante, ponctuée de ruptures de registres qui n’ont rien perdu de leur effet. Certaines gags visuels sont particulièrement inventifs (et celui en hommage à Benny Hill, fort bien pensé), et leur mise en scène sait mettre en avant les éléments importants du récit sans trop en faire. Ainsi, le spectateur continue d’être actif tout au long du film, identifiant avec plus ou moins d’aisance les divers clins d’oeil, sous-entendus ou dérisions.
Le film jouit d’un rythme similaire au premier, enchaînant les rires avec facilité et pertinence (la plupart du temps en tout cas). On remarquera avec plaisir le rôle plus important accrordé à un Ice Cube en délire, et qui donne lieu à une ou deux scènes au potentiel comique surpuissant.
L’autre revers de la pièce, les scènes d’action, restent quant à elles bien gérées et énergiques. Le découpage lisible des séquences permet de jouer constamment sur l’expectative des gags, alors que l’action bat son plein, et les deux scènes majeures garantissent une montée d’adrénaline suffisante pour remplir son cahier des charges.
Même si son budget a doublé, 22 Jump Street n’est pas entièrement construit sur le principe de la surenchère gratuite. Il s’agit plutôt d’un exercice d’écriture repoussant les possibilités d’une comédie d’action dans ses retranchements au niveau de ses interractions et de l’implication du spectateur. Ceux qui ont aimé le premier ne devraient avoir aucune raison de ne pas adorer cette suite (et quel générique de fin!).