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BD : Jolly Jumper ne répond plus

En ces temps perturbés, il est bon de se replonger avec douceur dans les œuvres madeleines qui ont bercé notre jeunesse. Mais, en même temps, les époques ont changé et les mentalités ne sont plus pareilles. Et ça, les éditeurs de BD l’ont bien compris. C’est pourquoi depuis plusieurs années, ils proposent de nouvelles versions, ou bien des versions alternatives d’icônes du 9e art.

Ce mois-ci, c’est Lucky Luke qui est sous le feu des projecteurs grâce au talentueux Matthieu Bonhomme (et c’est la deuxième fois, le bougre !). Alors bien sûr, je ne doute pas que cet album soit une réussite mais il a fait revenir à ma mémoire l’EXCELLENTE version du personnage sortie en 2017 du non moins PRODIGIEUX Guillaume Bouzard, un album sobrement intitulé :

JOLLY JUMPER NE REPOND PLUS

De quoi ça parle

 Lucky Luke est mandaté par le procureur de Séville Gulch pour aller voir pourquoi les Dalton sèment le désordre à la prison. Le cowboy solitaire accepte la mission avec plaisir même si… il a autre chose en tête. Il est préoccupé. En effet, depuis plusieurs semaines, Jolly Jumper ne lui parle plus.

Tout en cherchant à arranger la situation avec son cheval, Lucky Luke va partir pour un road trip avec les quatre frères afin de résoudre leur problème et apaiser la situation. Autant dire que les tensions sont à leur comble…

Pourquoi c’est bien

J’ai envie de dire : « Parce que Guillaume Bouzard », tout simplement. Cet auteur nous montre ici à quel point c’est un maître de l’humour : il l’utilise sous toutes ses formes. Humour de situation, de dialogues, gag visuel, jeux de mots, humour de répétition, détournement… tout y est et on se marre vraiment en voyant ces personnages si familiers sous un nouveau jour (Lucky Luke en tête, en proie au doute et au désarroi mais aussi Averell Dalton dans un contre-emploi assez génial, attention spoiler : d’habitude, Averell, c’est le grand maigre bêta qui ne pense qu’à manger ; ici, il est enfin rassasié. En prison, il a beaucoup mangé, s’est épaissi et par conséquent, s’est révélé très intelligent car son esprit n’est plus obnubilé par la nourriture. Le problème, c’est que ses frères sont toujours restés aussi crétins…)

Mais au-delà de toutes ces couches d’humour, ce qui frappe dans cet album, c’est l’humanité qui s’en dégage.

Bouzard sait faire rire mais il se dégage de ses histoires une impression de réel, un amour des personnages, une ambivalence des sentiments qui font que l’on se sent en empathie avec eux. Ce Lucky Luke n’a jamais été plus humain, il ne comprend pas ce qui lui arrive (son cheval ne lui parle plus… pourquoi ?!) et il cherche tous les moyens pour sauver son couple (oui, c’est bien de cela qu’il s’agit). Et nous, lecteurs, nous en savons plus que lui car c’est à nous, d’habitude, que Jolly Jumper s’adresse, jamais à Lucky Luke en réalité. Ici, c’est simple cheval du far west, ni plus, ni moins. Dans un sens, c’est NOUS qui devrions nous inquiéter : pourquoi Jolly Jumper est-il silencieux ? Mais nous n’avons pas le temps de nous en faire car Luke et ses péripéties occupent le terrain.

Autre exemple de ce mélange de réalisme, d’humour et de réflexion : le mythe de l’ombre. Sur la quatrième de couverture, on retrouve l’image iconique du cowboy tirant sur son ombre, sauf qu’ici la légende a changé, elle devient : « L’homme qui a eu l’idée de tirer sur son ombre. » Et immédiatement, il nous paraît évident de nous demander « Mais oui, POURQUOI, le gars tire sur son ombre ? » On ne remet pas du tout en cause la rapidité surhumaine de Luke mais on se demande juste comment cette idée saugrenue a pu germer…PERSONNE n’aurait jamais besoin de tirer sur son ombre… et on se prend à élaborer des théories absurdes ou bien on se dit que ce cowboy est vraiment un peu spécial dans sa tête, ce que confirme la lecture de l’album, finalement.

Vous l’aurez compris, sous ses airs faussement parodiques, cet album est une déclaration d’amour aux personnages de Morris et Goscinny et un moment de connivence privilégié avec les lecteurs puisqu’il les fait rire et réfléchir. C’est le complément idéal aux albums classiques et à ceux de Matthieu Bonhomme. Un pas de côté qui fait encore mieux apprécier l’œuvre originale. Bonne lecture, old chaps !

Jolly Jumper Ne Répond Plus, de Bouzard – Disponible en librairies

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