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Rencontre avec Fabcaro

Il est l’auteur de bande dessinée le plus en vogue du moment et sans conteste le plus drôle. Nous avons eu la chance de rencontrer Fabcaro, de passage dans le sud de la France au Festival de Colomiers, pour une longue interview. Nous avons évoqué son travail, son rapport avec les lecteurs et les mille projets d’adaptation de ses oeuvres. Son petit dernier, Formica, est sorti en septembre dernier chez 6 Pieds Sous Terre.

 

Votre actualité récente, c’est la sortie de Formica. Est ce qu’on peut dire que c’est du théâtre dessiné ?
Oui c’est ça. J’avais envie d’utiliser les codes du théâtre en BD, en prenant le risque que ça soit un petit peu ennuyeux. C’est une tragédie en trois actes, reprenant les codes de la tragédie antique mais sans oublier le coté burlesque.

Comment vous répartissez votre travail entre les gros éditeurs et les indépendants ?
C’est le projet qui appelle l’éditeur… [Il hésite, se reprend puis rigole] J’allais dire que les projets plus alternatifs vont chez les indépendants et les projets plus grand public vont chez les gros éditeurs. Tout ça est désormais un peu brouillé, les gros éditeurs étant friands de mes projets alternatifs. Mais je reviens quand même quand je peux au bercail avec des projets plus personnels, plus autobiographiques, plus expérimentaux.

Chez Six Pieds Sous Terre, on vous voit détourner les genre : le carnet de voyage, le roman photo, le catalogue, le road movie. C’est un challenge que vous vous êtes fixés ? Avec vous-même ou avec l’éditeur ?
Je me suis aperçu de ça mais ce n’est pas fait exprès. C’était à chaque fois involontaire de faire des parodies de genre, des codes détournés. Ca doit être inconscient, quand je veux faire quelque chose d’expérimental. J’aime bien l’exercice.

A propos de détournement, Nicolas et Bruno ont repris Zai Zai Zai Zai sur scène au Forum des Images. Ils vont ont contacté ? [Une vidéo du show sera prochainement disponible]
Ils m’ont contacté oui. Ils aimaient mon travail et moi j’adore le leur. Ils ont donc monté ce show à l’initiative du Forum des Images à Paris. Moi j’ai juste fait quelques dessins supplémentaires, pour faire des clins d’œils à la COGIP. Je les ai laissé faire, et j’ai assisté à la représentation : j’ai trouvé ça super. La salle était pleine, ça a eu un succès fou. Il est d’ailleurs possible qu’ils reprennent la formule ailleurs (!).
On s’est super bien entendu, se rendant compte qu’on avait la même culture et on réfléchit à faire d’autres trucs ensemble.

Il y a quelques années ici à Colomiers, j’ai assisté à une rencontre entre Guillaume Bouzard et Jean-Christophe Chauzy sur l’autofiction. Beaucoup d’auteurs dont Boulet s’y frottent. C’est trépidant le quotidien d’un auteur de BD ?
[Il rigole] Ah non ! Si on le retranscrivait tel quel, ce serait hyper chiant ! Moi j’arrive à trouver des anecdotes, à raconter les festivals. Mais en réalité, 90% de mon temps se passe à ma table de cuisine à dessiner avec un café. Et même, une grosse partie du temps est consacrée à la réflexion, donc je ne « fais rien ».  Un documentaire sur les tortues est plus excitant que la vie d’un auteur. On dessine en semaine, le weekend on dédicace en journée et on se saoule entre copains le soir !  C’est aussi pour ça qu’on passe par l’autofiction, on part de petites choses, d’une vie pas si trépidante et on y ajoute du romanesque.

L’autofiction, c’est un peu de la private joke entre auteurs, non ? A moins que les éditeurs y souscrivent facilement…
J’y pense souvent quand j’en fais. Je me dis que ça ne va intéresser que quelques personnes. Mes trois premières albums parus chez La Cafetière, qui étaient plus de l’autobiographie que de l’autofiction, je me suis dit qu’ils n’allaient intéresser personne. Mais finalement, plus on parle d’intime, plus on touche à l’universel. Des lecteurs me disent souvent qu’ils s’y reconnaissent. Ca m’étonne beaucoup mais on se rend compte qu’on est finalement tous pareils.

L’autofiction implique un personnage récurrent. Vous avez travaillé sur Achille Talon et sur Gai Luron. Est-ce que vous aimeriez créer un personnage ? Ou c’est une époque révolue, la BD de personnage ?
La BD avec un personnage central a encore de l’avenir. [Il réfléchit.] Le premier qui me vient, c’est Titeuf. Zep a trouvé un archétype qui peut durer encore dix ou vingt ans. Je l’ai fait sur des séries existantes mais sinon je ne pourrai pas le faire. Les trois tomes d’Achille Talon et le tome de Gai Luron sont ma limite (même si on va sortir un second tome de Walter Appleduck !). J’aime bien varier, sauteur d’un univers à l’autre. Je m’ennuie vite, je ne pourrai pas faire comme ces auteurs qui suivent un personnage toute leur vie.

Mais le Fabrice de la BD, c’est différent ?
Oui oui ! C’est autobiographique, c’est mon avatar et c’est donc beaucoup plus facile de raconter mes histoires.

Vous êtes désormais une portée d’entrée dans le monde de la BD. Les gens s’offrent du Fabcaro, même entre non lecteurs de BDs. Est-ce une pression supplémentaire ?
Je suis d’accord. Zai Zai Zai Zai est devenu une porte d’entrée. Je l’ai découvert en dédicace, où je parlais à des gens qui me disaient ne pas lire de BDs. Je ne sais pas d’où ça vient. Peut-être du dessin épuré, ou du fait qu’il ne faut pas de codes de lecture spécifiques.
Amener ses lecteurs-là vers autre chose ? Ce n’est pas quelque chose auquel je pense. En fait, je ne pense pas au lecteur en période de création, ça me tétaniserait. La priorité est de m’amuser. D’ailleurs, si je pensais au lecteur, je n’aurais pas fait Formica, qui est un projet très particulier. Je ne prends conscience du lecteur que quand le livre est fini.

Les livres parus chez les grands éditeurs sont tous basés sur des dialogues avec des dessins répétitifs. Dans Formica ou Et si l’Amour c’était Aimer le dessin est plus libre.
Je crois que ça a un peu tendance à perdre les lecteurs. Ils aiment qu’un auteur ait son style. Me concernant, ils retrouvent mon univers mais ils peuvent être perdus par le dessin qui change. Me sentant plus scénariste que dessinateur, je me focalise surtout sur les histoires et j’adapte mon dessin en fonction de ce que je veux raconter. Et Si l’Amour C’était Aimer était une parodie de roman photo, ça appelait un style roman photo. Zai Zai, je voulais quelque chose de plus épuré. Le trait est remis en cause à chaque fois.

Quelle pratique vous avez du dessin, du coup ?
Je ne dessine pas en dehors de mes projets. Mes copains auteurs passent leur temps à dessiner, à croquer. Je dessine depuis que je suis gamin et je peux varier mes styles mais je me sens un peu limité. Je crois que j’ai hérité ça de Gotlib, je suis comme lui amoureux des personnages. Je n’aime pas les décors, je ne fais pas de voitures… La figure centrale de mes dessins, c’est le personnage.

Vous collaborez en ce moment  avec le magazine Spirou. Quel rapport vous avez avec la presse BD ?
J’aime bien mais je suis de plus en plus débordé. Ce que j’aimais avant commence à me faire peur. A une époque je trouvais moteur, excitant, d’avoir des pages à rendre pour un hebdo ou un mensuel. En ce moment, je fais une page par semaine pour les Inrocks et ça me stresse un peu. J’y trouve un petit coté oppressant.
J’ai publié d’abord dans « Psikopat » puis dans « Zoo » où j’ai quasi-débuté. Je suis immensément reconnaissant envers Carali [le fondateur de Psikopat] parce que j’étais totalement inconnu quand je l’ai rencontré à Angoulême avec mes planches sous le bras. Il a été le premier à me publier.

Et quel rapport avez-vous avec les autres médias ? La télé ? Les possibles adaptations ciné ?
En ce moment ça part un peu dans tous les sens. Mais ce sont plutôt mes livres, pas moi personnellement. J’ai été sollicité par la télé. Des producteurs aimeraient que j’écrive et que je réalise un film ! Je sais à peine prendre une photo avec mon téléphone.
Même les projets d’adaptations, on m’appelle pour que je co-écrive mais j’ai tendance à lâcher le bébé. Le tournage de Zai Zai Zai commence ce lundi 18 novembre, et j’ai préféré laisser faire le réalisateur [François Desagnat]. Idem avec Le Discours [de Laurent Tirard, en cours de tournage], je n’ai pas voulu co-écrire. Pour utiliser une image à la Paulo Coelho, moi j’avance et je laisse mes livres sur le bord du chemin pour qu’ils deviennent ce qu’ils veulent. Je n’aime pas revenir sur ce que j’ai déjà fait.
Comme beaucoup d’artistes, je suis un peu tyrannique. Soit je le fais de A à Z, soit je ne le fais pas. Mais je ne me sens pas bien entre les deux.

Et le projet de Blanche Gardin sur scène ?
Elle a découvert Zai Zai Zai Zai et elle a proposé d’en faire une pièce. On s’est croisé quelque fois et on est en train de développer quelque chose ensemble mais je ne sais pas dans quelle mesure je peux en parler… Mais on s’entend super bien, on a le même univers.

Qu’est-ce qui vous fait rire ?
Je suis assez rieur dans la vie. Je suis très spectateur, j’aime rire des autres. C’est moins facile quand je lis des BDs et ou quand je vois des films. Je peux citer Geoffroy Monde ou Antoine Marchalot. Mais je crois qu’on est tous les héritiers de Goossens.

Quelle place vous accordez aux festivals dans votre travail ? Nous sommes ici à Colomiers qui a de l’importance dans la région toulousaine…
Comme je le disais, on fait un boulot d’ours. Je ne sors jamais de ma cuisine. Ici, on peut voir tout le monde, les copains, les éditeurs mais surtout les lecteurs. J’ai un super rapport avec mon lectorat.

Remerciements chaleureux à Fabcaro pour sa disponibilité et aux équipes de 6 Pieds sous Terre.

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