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Angoulême 2024 : la BD et la santé mentale
Force est de constater que l’on parle de santé mentale bien plus qu’il y a quelques années. C’est un sujet qui suscite de l’intérêt parce que, si nous sommes honnêtes, sans notre santé mentale, nous n’avons pas de santé. Cela se voit chaque jour dans le contenu que nous consommons. Le Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême ne fait pas exception.
Depuis des années, nous définissons deux types de santé: mentale et physique et nous précisons “mentale” lorsque nous le jugeons nécessaire. Lorsque nous parlons de “santé” comme un mot isolé, nous faisons automatiquement référence à la “santé physique”. Nous savons de plus en plus que la santé n’est pas différente des autres aspects de notre vie. Nous pouvons la diviser en physique, mentale, sociale ou spirituelle…mais en même temps, nous savons que chaque séparation constitue le tout.
Le monde de l’art est le reflet de la société actuelle. Si nous parlons du monde de la BD, les panels sont un exemple clair de ce reflet. L’artiste parle de ce qu’il ou elle sait, de cet qu’elle ressent, de ce qui la met mal à l’aise. Bien que la santé mentale affecte de manière exagérée tout le monde dans la société moderne, il est également vrai que le monde de l’art est l’un des plus touchés, et celui qui connaît les outils pour canaliser l’inconfort et la manque d’équilibre.
Des sujets comme la bipolarité ont filtrées à travers des livres comme Je suis leur silence par Jordi Lafebre, auteur barcelonais nominé cette année dans la catégorie Fauve Polar SNCF Voyageurs. Dans le livre il combine la psychiatrie avec le mystère. Connu pour avoir illustré Lydie du scénariste Zidrou ou pour écrire et dessiner Malgré Tout, il reconnaît lui-même que travailler dans le monde de l’art et concilier stress, anxiété et famille avec le travail n’est pas un truc facile.
Des autrices comme Bea Lema, qui a remporté le prix du public pour Des maux à dire abordent également le thème de la santé mentale. En l’occurrence avec un livre autobiographique qui mêle dessin et broderie faite à la main. Dans son histoire, elle démystifie les médicaments comme solution à tous les maux. Avec une couverture très provocante sur laquelle apparaît une vierge en train de communier avec une pilule, Bea vise à rapprocher les lecteurs des difficultés subies par les personnes atteintes de troubles mentaux et ouvre la porte au soutien et à la compréhension.
Enfin, je voudrais parler du récent travail de Silki, une autrice coréenne qui évoque son déménagement de la Corée vers la France et de tout ce que ça implique pour elle. Installée ici depuis 2016 et résidant à Angoulême depuis quelques années, Silki revient sur les difficultés de son adaptation face au racisme et au changement de continent en tant qu’artiste. En plus de cela, dans son livre Malgré tout je suis ici elle écrit sur les difficultés de parler des problèmes au sein de la cellule familiale mais aussi de sa recherche d’équilibre entre le respect vis à vis des personnes qui la composent et les problèmes dont souffre chacun des membres.
Ils parlent beaucoup de la dynamique familiale et explorent les traumatismes de l’enfance. Si la vie nous apprend quelque chose, c’est que la création et l’art permettent de guérir. Les auteurs venus à Angoulême cette année le prouvent.
En tant que professionnel travaillant dans le domaine de la santé mentale, je suis tellement reconnaissante que nous donnions enfin une voix d’une manière global à un problème qui nous tient profondément à coeur et qui est resté secret pendant nombreuses générations. Il semble que même si nous prenons soin de notre corps, nous devons aussi prendre soin de notre esprit. Une bonne conclusion à cette épidémie de dépression et d’anxiété généralisée est que nous ne sommes désormais plus si seuls et nous n’avons plus honte lorsque nous allons chez le psychologue, un coach ou un psychiatre.
Normaliser une situation existante ouvre la porte au changement et à l’amélioration. Heureusement, un fois de plus, l’art et les artistes portent le flambeau pour guider le peuple.
Photos 1, 2, 3 4 : Carlos Takes & Sílvia Rábade