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Angoulême 2020 : notre compte-rendu

Le festival de la BD d’Angoulême s’est clôturé ce 2 février dernier, récompensant notamment Révolution de Grouazel et Locard.

Tout le palmarès est à voir ici. Cette édition a été marquée par des auteurs en grève, qui craignent à juste titre pour leur statut. Et quoiqu’on fasse, « sans auteur pas de BD » comme l’ont très bien expliqué Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann lors de la cérémonie de remise des prix (vidéo de la séquence à découvrir ici).

Nous, nous étions dans les allées.

 

LE FESTIVAL

Aaaah, enfin, le voilà ! ce petit compte-rendu annuel sur le festival interrrrnational de la bande dessinée d’Angoulême ! Je savais que vous l’attendiez bande de petits sacripants ! Alors, me direz-vous, qu’est-ce que tu as vu de beau cette année, tonton ?

Eh bien écoutez les enfants, depuis la petite dizaine d’années que je couvre le festival pour CloneWeb , je constate que l’évènement s’améliore un peu plus à chaque fois. Et ce qui me touche, c’est qu’il le fait en tenant compte de mes remarques ! (eh ouais, on est un repaire d’influenceurs ici)

Le millésime 2020 a en effet fait la part belle aux expositions : il y en avait pour tous les goûts, réparties dans toute la ville proposant un large parcours varié aux amateurs. Si l’on pouvait regretter l’absence d’une exposition consacrée à Rumiko Takahashi (le grand prix de cette année) on s’est consolé avec toutes les autres.

Et les dédicaces me direz-vous ? Eh bien disons qu’elles sont désormais très encadrées et organisées, plus de place à l’improvisation ou à l’incruste de dernière minute. Je vous briefe donc pour l’an prochain : la grande majorité des éditeurs (Delcourt, Dargaud, Ankama, Dupuis entre autres) vous demande d’acheter un ouvrage sur leur stand, ce qui vous donne droit à un jeton de dédicace puis, muni(e) de ce jeton, vous vous inscrivez dans la file d’attente d’un auteur en dédicace. C’est un peu contraignant mais cela évite les embouteillages, les attentes inutiles, les resquilleurs en groupe. Néanmoins, du côté des éditeurs indépendants, les dédicaces « traditionnelles » persistent avec ses aléas parfois heureux, parfois malheureux (mais le plus souvent heureux).

Bon, ces expos alors ? Alors que du bon. Je commence par celles qui n’ont duré que le temps du festival : pour la première fois, nous avons eu droit à deux expositions dédiées à des scénaristes : le vénérable Pierre Christin et le dynamique Robert Kirkman. Et il était intéressant de les mettre en parallèle puisque chacun s’est investi dans les genres dits « sous-culturels » : la science -fiction pour Christin et l’horreur pour Kirkman (je parle ici de leurs séries les plus populaires, respectivement Valérian et Walking Dead, je n’ignore pas qu’ils ont écrit bien d’autres choses) et ils ont su leur donner une dimension plus grande, trouver un public en phase avec l’œuvre au moment de la parution et être capable de l’emmener plus loin, de sortir des clichés tout en enrichissant le genre.

Autres expositions à mettre en parallèle, celles consacrées à Jean Frisano et Nicole Claveloux. Ici c’est la nostalgie des quadragénaires et quinquagénaires qui lie les deux artistes. D’un côté un illustrateur qui peignit pendant des années les couvertures des revues de super héros Marvel, s’efforçant de leur apporter du réalisme et du charisme là où il y avait énergie et du mouvement. Et de l’autre, une artiste méconnue, souvent lue mais dont on ne retenait jamais le nom et qui grâce à cette exposition a pu montrer toute l’étendue de son talent. Au travers de ses dessins publiés pour la plupart dans Métal hurlant, on voit bien l’influence ou la concomitance d’artistes tels que Heinz Edelmann, Tomi Ungerer, Moebius ou Caza. Nicole qui a d’ailleurs reçu deux fauves lors de la cérémonie de remise des prix du festival, une reconnaissance de la profession envers une dame qui a influencé toute une génération.

Une autre exposition représentative d’une génération était celle axée sur Gunm, la série cyberpunk culte des années 90 qui pour beaucoup fut la porte d’entrée du manga. Devant les planches originales, il y avait foule pour admirer la minutie du trait et le découpage ultra dynamique de Yukito Kishiro. Le mangaka était d’ailleurs là en personne et il a tenu une conférence dans laquelle il a annoncé qu’il n’avait pas encore tout raconté sur cette saga.

Passons maintenant aux expositions qui durent un peu plus longtemps que le festival et que vous pouvez donc aller voir jusqu’au mois de mars.

Du côté du musée de la ville, c’est une double affiche avec d’un côté Wallace Wood, dessinateur américain émérite qui œuvra de la fin des années 40 jusqu’au début des années 80 et Yoshiharu Tsuge, auteur japonais éminent représentant du gekiga, le manga « adulte ». Au travers des deux parcours, on voit l’apprentissage, l’exploration d’un medium pour ces deux artistes. Si Wood est porté par la curiosité, l’envie de s’amuser, d’explorer les limites (il travailla chez Mad magazine puis fut l’un des pionniers du comics underground), chez Tsuge, c’est la gravité qui l’emporte avec le désir de raconter les sentiments humains les plus sombres (2 salles, 2 ambiances…).

Retour en France avec trois autres expositions situées du côté de la cité de l’image : Catherine Meurisse Calvo et Lewis Trondheim.

Révélée par ses dessins de presse, Catherine Meurisse retrace ici tout son parcours, de son enfance à la campagne, ses carnets de dessins, ses débuts comme illustratrice jeunesse, son amour pour Quentin Blake, puis pour les grands peintres. Son album « Moderne Olympia » avait vraiment secoué le public bédéphile à sa sortie en 2014 montrant une part insoupçonnée de cette collaboratrice de Charlie Hebdo. Et puis il y eut le traumatisme de l’attentat et la guérison, par le dessin, justement et c’est là que Catherine prend toute son ampleur. On admire des planches magnifiques, des dessins au crayon d’une finesse et d’une maîtrise impressionnantes qui rendent compte de paysages ruraux ou de salles d’exposition de musées. J’ai vraiment été bluffé par le trait de l’artiste qui rappelle Sempé par moment mais avec une toute autre énergie ou sensibilité. Une excellente surprise.

Autre surprise, l’exposition de Lewis Trondheim. Jusqu’à présent, le créateur de Lapinot avait refusé toute exposition mais il s’est laissé faire cette année et en a profité pour distiller tout au long de la visite des dessins assez piquants sur la situation des auteurs de BD en France, d’un point de vue des droits et des retraites, sujet hautement sensible depuis 2 ans et encore plus dans le contexte actuel. Cette exposition est une surprise car Trondheim qui paraît souvent comme arrogant de prime abord est avant tout un bosseur et c’est ce que cette exposition nous montre. L’homme multiplie les projets, les défis, les expériences et en retire toujours quelque chose qui fait évoluer sa façon de raconter. Son dessin est connu de tous aujourd’hui mais certaines planches surprendront tout de même le visiteur, telles celles de Ralph Azham, en couleur, qui sont splendides et d’une profondeur incroyable. Idem pour ses aquarelles de carnets de voyage.

Dans la salle voisine, on trouve une petite exposition sur Calvo, illustre dessinateur animalier des années 30 à 50 et on ne peut que tomber sous le charme désuet de ces personnages ronds, faussement candides qui ont parfois servi à raconter les plus sombres histoires (La bête est morte). Autre parallèle fait dans l’exposition : les planches du magnifique Château des animaux paru chez Casterman en 2019 où l’on voit tout le talent du jeune prodige Félix Delep qui s’inscrit dans la lignée de Calvo et Juanjo Guarnido (Blacksad).

En résumé, vous le voyez, cette édition 2020 fut d’une grande richesse et je ne saurais trop vous conseiller de faire un détour par la Charente lors des jours de congé qui arrivent. Mais attention, je ne vous pas encore tout dit car j’ai gardé sous le coude mes deux petits chouchous qui eux aussi ont eu droit à une exposition et je vous en dirai plus dans les jours qui arrivent !

Bonne lecture à tous !

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