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Angoulême 2019 : Un Fauve Malin

Eh oui, c’est l’heure du bilan annuel sur le traditionnel festival interrrrnational de la bande dessinée d’Angoulême ! Les plus fidèles d’entre vous trouveront sans doute que nous avons été très calmes cet année niveau Angoulême, mais il est arrivé un peu comme une comète dans nos emplois du temps et  nous avons opté pour une couverture courte et concise.

 

UN FAUVE MALIN

Malgré ses 46 ans d’existence, le festival est en perpétuelle mutation, changeant d’une année à l’autre pour tenter de concilier quantité, qualité et gestion de la foule. Cette année, la formule proposée mérite s’être saluée (et sans doute reconduite).

Angoulême est une ville située sur une colline, avec donc une partie haute et une partie basse et traditionnellement les festivaliers doivent arpenter des kilomètres de rues en pentes (en plus des files d’attente) pour tenter de tout voir. Cette année, l’organisation a fait en sorte de placer au bas de la ville les expositions et stands « jeunesse » et dans la ville haute, les expositions et éditeurs davantage orientés « adultes ». On pouvait ainsi profiter pleinement d’une zone avant de passer à une autre, tout en suivant une certaine logique. Même si la chose est perfectible (le chapiteau « manga city » était ainsi  un peu vide et gagnerait sans doute à être complété par les pôles jeunesse des gros éditeurs, sans que ceux-ci ne payent deux fois le prix des stands, évidemment) c’est une bonne initiative qui j’espère sera reconduite.

Au niveau du contenu maintenant : le festival a préféré la qualité à la quantité. Les lieux d’exposition étaient moins nombreux que d’habitude mais ils étaient richement pourvus. Que cela soit avec Manara, Nihei, Tom-Tom et Nana, Jérémie Moreau, Tatsumoto et Corben, le public était gâté. Les genres étaient variés mais on ressentait dans chaque exposition la vibration de l’artiste, l’élan qui le pousse à tracer des traits sur le papier : l’énergie, la puissance, l’esthétisme, la précision, le mouvement… autant de concepts qui prennent forme sous les yeux des visiteurs et qui poussent à ouvrir les ouvrages des auteurs exposés.

Mais de toutes les expositions, celle qui aura fait couler le plus d’encre (et de larmes) est sans nul doute celle consacré au chevalier noir octogénaire, notre grand ami Batman. Installée dans la médiathèque de la ville, cette exposition permettait de plonger directement dans les cases de la bande-dessinée plutôt que de montrer nombre d’originaux (il y en avait quelques-uns tout de même, essentiellement des dessins uniques et non des planches). Ainsi, les visiteurs pouvaient déambuler dans la batcave, dans la crime alley, dans l’asile d’Arkham, etc., tout en croisant objets, costumes et personnages.

Alors pour ne rien vous cacher, je n’ai pas pu visiter l’exposition en personne. J’y ai renoncé lorsqu’après avoir fait 2 heures de queue, une hôtesse m’a annoncé qu’il me restait encore le même temps d’attente pour pouvoir entrer dans le bâtiment. Il faudra donc se contenter des reportages déjà publiés en ligne, notamment celui de ComicBox qui est très complet et rédigé par un connaisseur. Et comme il le dit lui-même : cette exposition est bien trop coûteuse pour n’être exploitée que 4 jours de janvier en Charente. Il y a de fortes chances de la voir ressurgir dans une grande ville en cette année anniversaire de Batounet, soyez vigilants.

Mais alors, pourquoi le mot « malin » dans le titre de cet article me demanderez-vous ? Eh bien parce qu’outre  l’effort sur l’organisation sus-mentionné, mine de rien, en douceur, le festival de cette année avait réellement une dimension internationale : par les expositions tout d’abord (celle consacrée à Richard Corben est exemplaire, à tous les égards, de la scénographie en passant par les explications techniques) et aussi par le palmarès.

Certains esprits chagrins le trouveront opportuniste de couronner deux femmes après une année 2018 forte en actualité féministe mais Rumiko Takahashi et Emil Ferris sont avant tout des Autrices, avec un grand A, au parcours unique dans la BD mondiale. Il est donc normal de les récompenser, ou au moins de mettre en avant leur travail car il leur est propre, chacune ayant tracé sa route non pas en opposition mais sans se soucier des standards de leur époque.

Ces deux autrices, et le festival 2019, montrent aussi qu’il faut dépasser les clichés culturels, même dans la culture populaire qu’est la bande dessinée : non, la bd américaine n’est pas faite que d’histoires du super héros, et quand  bien même, les histoires de super héros peuvent être avoir du fond et de l’intérêt ; non le manga japonais n’est pas fait que de séries énervées et violentes destinées aux adolescents mâles, et même certaines de ces séries destinées aux adolescents mâles peuvent être réalisées par des femmes…

Et le public français semble prêt pour tout cela. En témoignent la foule pour l’expo Batman mais aussi la très très longue file d’attente pour croiser Paul Dini, un scénariste (!) du super héros, ravi de susciter un tel engouement et de voir son travail pris au sérieux.

De cette édition 2019, personnellement, je retiendrai un livre et une rencontre qui est au croisement de tout ce que j’ai tenté d’évoquer : j’ai pu rencontrer Minetaro Mochizuki (un Japonais) pour l’adaptation en manga de L’île aux chiens, le film de Wes Anderson (un Américain). Mochizuki est venu cette année à Angoulême et c’est la ville où le réalisateur tourne actuellement son nouveau film ! Le monde est petit, non ? La boucle est bouclée, tout ça. Eh bien lorsque j’ai demandé au dessinateur s’il avait rencontré Wes (parce que ça leur faisait beaucoup de points communs, quand même, y compris l’article que j’avais écrit en 2017), le gentil Minetaro m’a simplement répondu : « Non, le tournage est interrompu pendant le festival. Wes est rentré chez lui pour deux semaines. » Et puis il s’est mis à pleurer. Je l’ai alors pris dans mes bras pour le consoler et je l’ai emmené voir l’expo de Bernadette Després.

Voilà, c’est aussi ça Angoulême. Des dessins, des rencontres, des émotions.

NB : les expositions Corben et Matsumoto sont visibles au musée de la ville jusqu’au 10 mars ! COUREZ-Y.

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