576Vues 0commentaires
Critique : Tyrannosaur
Si sur CloneWeb nous nous faisons un point d’honneur à vous livrer des critiques de film avant leur sortie salles pour vous permettre de vous déplacer sereinement, il nous arrive d’être à la bourre.
C’est le cas aujourd’hui avec Tyrannosaur, de Paddy Considine avec Peter Mullan, multi nominé et récompensé en festival et dont l’action se déroule à Glasgow.
Voici tout ce qu’il faut savoir sur ce très bon film.
Tyrannosaur – Sortie le 25 avril 2012
Réalisé par Paddy Considine
Avec Peter Mullan, Olivia Colman, Eddie Marsan
Dans un quartier populaire de Glasgow, Joseph est en proie à de violents tourments à la suite de la disparition de sa femme. Un jour, il rencontre Hannah. Très croyante, elle tente de réconforter cet être sauvage.
Mais derrière son apparente sérénité se cache un lourd fardeau : elle a sans doute autant besoin de lui, que lui d’elle.
Tyrannosaur, c’est l’exemple même du destin tout tracé pour un jeune réalisateur. En l’occurrence, pour Paddy Considine, acteur anglais que l’on a notamment pu croiser dans Hot Fuzz ou La Vengeance dans la Peau, et qui a fait un carton en festival avec son premier court métrage Dog Altogether, notamment à Venise où il est reparti avec le Lion d’Argent. Du coup, pensant qu’il n’avait pas encore fait le tour de la question, le cinéaste en devenir reprend la même histoire avec les mêmes acteurs pour ce coup-ci aller au fond des choses. Une croissance express, mais loin d’être prématurée…
L’histoire de Tyrannosaur, contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser, n’a rien de fantaisiste, puisque c’est celle d’un homme. D’un veuf, trimballant sa carcasse tel un fantôme qui erre dans les rues de Glasgow, incapable de se remettre du décès de sa femme et qui se laisse bouffer par la vie, ronger par ses démons, exclure de toute vie sociale par ses pulsions auto destructrices extrêmement violentes. Un peu à la manière du personnage principal de Bullhead, notre tyrannosaure impose par sa carrure et est aussi impressionnant que mystérieux, laissant transparaître un grand mal sur son visage, telle une bête écorchée vive qui refuse malgré elle de se laisser abattre ou aider. Bien ancré dans le contexte social anglais actuel, le film dépeint évidemment un état d’esprit du pays, où l’on va au pub après le travail pour oublier ses soucis, avant de les faire ressurgir plus fortement encore. Pourtant, le but de Considine n’est pas de donner dans le texte politique ou de se focaliser sur les laissés pour compte mais bel et bien de suivre cet homme dans sa spirale infernale pour mieux affronter ses démons les plus profonds et obscures. Observer l’humain dans ce qu’il a de plus désespéré, néfaste pour lui-même, à travers un parcours de rédemption difficile et qui exige de toucher le fond pour espérer remonter sans certitude.
La puissance du film part déjà de l’interprétation habité d’un Peter Mullan dont le charisme, la prestance et le regard sont habités par cette âme en perdition. Un acteur somptueux dans la déchéance de son rôle, et qui va devoir faire face à un monde qui le pousse à ça par sa noirceur. C’est là l’une des qualités impressionnantes que donne Paddy Considine à son premier film : cette capacité à équilibrer son récit et à non seulement donner de la crédibilité aux tourments de son personnage sans en faire des caisses, mais aussi à progressivement faire tomber les masques autour de lui, pour révéler la noirceur de l’être humain dans ce qu’il a plus cynique et noir. Au-delà de l’intelligence même du traitement et du propos, il faut allouer au réalisateur une vraie science de la mise en scène, l’économie relative du découpage ne cédant jamais à la facilité et n’hésitant pas à aller chercher l’émotion par des mouvements de caméras jamais ostentatoires. Une image embellie par la lumière du film à la naturaliste tout en ne manquant pas de mettre en avant les affres de monde déchu. Dans cet océan de ténèbres, il faut bien l’appel à l’aide d’un cœur pur et inoffensif pour trouver une lueur d’espoir, et la femme jouée par Olivia Colman apporte toute sa fragilité au récit en ce sens. Sans trop en dévoiler sur l’intrigue du film, son personnage va s’avérer étonnement complémentaire à celui de Peter Mullan et de ce duo loin d’être évident, un nouveau chemin va faire son apparition, le metteur en scène montrant alors qu’une fois de plus, tendre la main n’est pas toujours facile ou sans risque mais s’avère bel et bien le plus courageux des gestes.
Avec son ambiance désenchantée et sa vision ultra frontale d’un monde désabusé, Paddy Considine transforme l’essai et offre à ses deux comédiens des rôles magnifiques, pour un parcours aussi éreintant que sublime. Quand le court métrage devient long et le chien dinosaure, c’est pour un beau destin de cinéma, sans concession et d’une animosité finalement saine.