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Un Dimanche, Une Critique : American Beauty
Il est souvent de bon ton de critiquer ce que l’on a aimé et le film dont je vais vous parler aujourd’hui entre souvent dans cette catégorie (si, si, surtout chez les plus jeunes, souvent désabusés). Et pourtant… Certains y voient un film plein d’acidité, de cynisme voire de nihilisme et paradoxalement, certains y voient un film moraliste limite réactionnaire. Alors autant vous prévenir tout de suite, pour ceux qui n’auraient jamais vu ce long métrage, mon article risque de spoiler un peu l’intrigue, pour les autres, il servira à remuer quelques souvenirs, quelques impressions et pourquoi pas, lancer une discussion.
Aujourd’hui, nous parlons d’American beauty.
American Beauty – Sortie le 2 février 2000
Réalisé par Sam Mendes
Avec Kevin Spacey, Annette Bening, Thora Birch
Une maison de rêve, un pavillon bourgeois discrètement cossu dissimulé dans une banlieue résidentielle, c’est ici que résident Lester Burnhamm, sa femme Carolyn et leur fille Jane. L’agitation du monde et sa violence semblent bien loin ici. Mais derrière cette respectable façade se tisse une étrange et grinçante tragi-comédie familiale ou désirs inavoués, frustrations et violences refoulées conduiront inexorablement un homme vers la mort.
Souvenez-vous : milieu des années 90, le cinéma américain nous propose un certain renouveau artistique et deux films se démarquent la même année, 1995, je veux bien entendu parler de Seven et Usual Suspects. Le point commun entre ces deux films ? un acteur, Kevin Spacey. Et alors qu’on aurait pu croire le monsieur cantonné aux rôles de méchants, le voici qui déboule quatre ans plus tard dans un rôle à contre-emploi interprété magistralement : Lester Burnhamm.
Lester est un loser, tout est moyen dans sa vie : son boulot, son mariage, sa banlieue, ses relations avec les autres, son âge… et c’est justement le bon moment pour faire sa crise, sa « mid-life crisis » comme disent les américains. Il va tomber amoureux d’une fille de 16 ans, copine de sa fille, et à partir de là, tout va se dérégler.
Cet évènement déclencheur va permettre à Lester de se révéler, de retrouver enfin sa vraie personnalité. Il remet à zéro ses relations sociales et familiales et si tout s’effondre autour de lui, il ne s’en porte que mieux car il prend enfin le contrôle de sa destinée. La fameuse « deuxième chance » chère à l’idéal américain.
Mais quel modèle suit-il ? Tout simplement celui de son adolescent de voisin qui maîtrise son destin depuis bien longtemps à tel point qu’il mène une double vie, cachant à son père aussi bien ses trafics de drogue que ses créations artistiques.
Là réside une des –nombreuses- interprétations du titre du film : l’American beauty, en plus d’être une variété de rose, peut aussi être ce culte de la jeunesse débridée, libérée de toute contrainte et porteuse d’espoir.

Lester court après son adolescence perdue et renvoie ainsi à des classiques comme Sur la route, Le lauréat ou American graffiti (et plus près de nous, tous les films de John Hughes). Ce jeunisme fascine les américains (et par ricochet, tous les peuples occidentaux) qui y voient une expression de la beauté et de la pureté et c’est exactement ce que représente Mina Suvari dans le film : elle subjugue Lester par son physique et son attitude mais elle finira par lui avouer qu’elle est encore vierge, chose qu’il aura du mal à croire. Lester se retrouve donc pris au piège : d’un côté il s’est libéré de ses chaînes, de l’autre, il sent qu’il va franchir la ligne jaune. Mais il est trop tard de toute façon : il mourra, tué à cause d’une méprise, certes, mais cette mort sanctionne le père de famille libidineux et au final, la morale est sauve.
Lester Burhnamm symbolise donc toute l’hypocrisie de l’Amérique : il est risible quand il est encore dans sa vie creuse bien proprette mais il inquiète quand il cède à ses pulsions et tend vers son bien être (la fameuse « recherche du bonheur » ?), il a le droit de regarder mais surtout pas de toucher (ce qu’a très bien compris son jeune voisin admirablement interprété par Wes Bentley puisqu’il ne vit sa vie qu’au travers de sa caméra et grâce à elle, il arrive à percevoir la véritable beauté des choses).
On retrouve ainsi dans cette banlieue les paradoxes de ce pays, chantre de toutes les libertés mais aussi de tous les préjugés et restrictions morales : la question de l’homosexualité est explicitement traitée dans le film mais elle n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le malaise est beaucoup plus profond, comme s’il venait de tous les stéréotypes de la société américaine : la cheerleader, le militaire, la femme carriériste… tous ces modèles sont vérolés, dépassés. Ils appartiennent au monde des adultes. Lester l’avait bien compris mais il est mort juste au moment où il s’en était détaché. L’espoir viendra du couple que forment sa fille et Ricky, le jeune voisin, qui, vivant en marge du système, en perçoivent la vanité et essaieront de construire autre chose, sans hypocrisie et sans compromis (autre principe cher à l’Amérique).

Le réalisateur de ce film, Sam Mendes est avant tout un metteur en scène de théâtre. Il est donc logique qu’il nous présente ici, dans un espace et une unité de temps assez limités, une histoire pleine de dramaturgie, entre tragédie et comédie. La part belle est donnée aux acteurs et malgré une mise en scène assez statique, on savoure les répliques cinglantes et les intentions parfaitement portées des protagonistes.
Ce film n’est pas le premier du genre, des pamphlets contre l’american way of life, il en existe plein mais il est sans doute un de ceux qui a le plus marqué l’inconscient collectif ou du moins celui des scénaristes hollywoodiens. Mais pas directement ceux des studios de cinéma, davantage ceux des séries télévisées largement diffusées par le monde et si prisées depuis la fin des années 90 justement. En effet, sans ce film, je me demande si des séries comme Californication, Nip Tuck, Breaking Bad ou même Desperate Housewives auraient vu le jour.
Le film reçut 5 oscars dont meilleur acteur, meilleur scénario et meilleur film, ce qui est la preuve de sa résonnance avec son époque (le même film aurait-il été possible après le 11 septembre 2001 ?). Et à ce titre, je pense qu’il fera partie de l’histoire du cinéma.
Est-ce là encore un exemple de « beauté américaine » ?
7 commentaire
par totorynque
Heuuu… est-ce qu’une faille spatio-temporelle a déplacé l’année 1999 dans la période 2002-2012 ou quelque chose m’échappe?
par Marc
o_O
Je vais modifier ça. Je me demande bien comment j’ai fais pour qu’il soit dans ma liste du coup
par Sylvie Spanky
mais du coup ça m’a donné envie de le revoir ;))
par Vador
Bonjour mon nom est Lester Burnhamm, dans un an je serais mort!
Un grand film!
par Pinkman
« Il est souvent bon ton de critiquer »…
Elle est où la critique ?
Je ne lis ici qu’un résumé du film, paraphrasé par un (très) vague commentaire thématique (« Lester court après son adolescence perdue », « Burhnamm symbolise donc toute l’hypocrisie de l’Amérique » ou « Ce film n’est pas le premier des pamphlets contre l’american way of life, il en existe plein » . Bref, pas de quoi « lancer une discussion » comme vous annoncez dans l’intro.
par Guillaume
Mon cher Pinkman, la critique à laquelle je fais référence est celle que l’on entend ici ou là lorsque l’on parle de ce film, notamment avec de jeunes spectateurs (17-25 ans)qui ne l’ont vu qu’en vidéo ou bien qui ne comprennent pas ce que les spectateurs plus âgés ont trouvé à ce film. Moi j’aime beaucoup ce film, donc je n’allais pas le critiquer mais au contraire essayer de dire ce qui me plaisait dedans.
J’ai conscience que mon papier est très court et que ce film mérite un développement plus ample mais, justement, allez-y, ne vous gênez pas pour lancer vos arguments et ainsi nous aboutirons à la discussion que vous sembliez réclamer (ou bien venez sur le forum, un lieu ouvert et convivial).
@sylvie : tant mieux, c’est un des buts de la rubrique ! ;)
par Wilyrah
Un bijou, un chef d’oeuvre.