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Rencontre avec Alexander Payne

Alexander Payne est né il y a un peu plus de cinquante ans dans l’état américain qui porte le nom de son dernier film : le Nebraska.

Entre deux long métrages que l’on pourrait qualifier d’indépendant, il écrit en 2001 le scénario de Jurassic Park III avant de retourner à des projets plus intimistes comme Monsieur Schmidt, avec Jack Nicholson, ou Sideways qui lui vaudra l’Oscar du meilleur scénario adapté.
En 2011, il sort The Descendants sur les écrans, un film dans lequel George Clooney incarne le père de Shailene Woodley à Hawaii. Et il y a quelques jours, il était de passage à Paris pour présenter son nouveau long.

Récit d’une belle rencontre.

 

Paris, jeudi 13 mars. Le soleil décline doucement sur la capitale. Alexander Payne est installé sous la véranda d’un charmant petit hôtel parisien planqué dans St Germain des Prés. Toute la journée il a répondu avec malice, sourire et intérêt aux questions posées par la presse et les blogueurs, n’hésitant pas à être court voir sec quand une réponse ne méritait pas d’être noyée dans le discours promo habituelle.

Ainsi, quand on lui demande pourquoi il a tourné le film en noir& blanc, il retourne la question à l’interviewer, lui demandant ce qu’il a ressenti en voyant l’image sans couleurs à l’écran. En réalité, Payne a « toujours voulu faire un film en noir blanc, sachant qu’il serait cheap« . « Il y avait quelque chose dans le scénario, dans l’austérité des vies des personnages qui imposait le noir et blanc »
« J’ai regardé beaucoup de films en noir et blanc et en cinémascope pour préparer Nebraska » déclare Payne qui dit s’être aussi inspiré du Jim Jarmush des débuts, celui de Stranger Than Paradise, mais aussi du réalisateur de The Insect Woman Jitsuko Yoshimura. Et le choix s’est naturellement porté sur le numérique plutôt que sur la pellicule, car en pellicule c’est beaucoup plus cher de tourner des scènes de nuits. Il faut beaucoup de lumières, donc forcément beaucoup plus de techniciens… et le budget explose. Le numérique permet d’utiliser d’avantage la lumière naturelle et de faire des économies (sur un budget de trente millions). Il faut préciser que Paramount Vantage a « donné beaucoup moins d’argent parce que le film était en noir et blanc ».

Non crédité au générique pour cela, Payne avoue avoir réécrit une partie du scénario original dont il n’est pas, pour la première fois, l’auteur et notamment la fin. « Je n’ai pas commencé ma carrière en pensant écrire mes propres scénarios toute ma vie ». Son processus de travail n’a pas changé pour autant, reprendre le scénario de quelqu’un d’autre « c’est comme adapter un livre, ce qu'[il] a déjà fait ».

Quand on lui demande d’évoquer ses acteurs, le réalisateur confirme avoir pensé à Bruce Dern pour le rôle principal « depuis le début et même s'[il] a rencontré une cinquantaine d’acteurs pour confirmer [son] choix« . « L’autre acteur qui aurait pu avoir le rôle est Gene Hackman, mais il est désormais à la retraite et on ne peut pas le rencontrer. Je lui ai envoyé le script mais il n’a jamais répondu« .
Évoquant June Squibb, il parle d' »une véritable professionnelle qui tourne depuis les années 50« . Bien qu’ayant tourné avec Payne sur Monsieur Schmidt où elle incarne la femme de Jack Nicholson, elle a du passer un vrai casting pour Nebraska. Shelly Winters, malheureusement décédée en 2006 et connue pour avoir tourné dans La Nuit du Chasseur, Lolita ou L’Aventure du Poséidon « aurait également été parfaite pour le rôle« . La comédienne a eu à tourner une scène dans un cimetière où elle a des lignes de dialogues particulièrement vulgaires à balancer. Payne explique que cette scène a été tournée « dès le troisième jour du tournage, alors que les comédiens ne se connaissaient pas encore bien » dans un petit cimetière « à moitié luthérien, à moitié catholique, une petite parcelle dans un océan de champs de maïs »
Dans Nebraska, les acteurs sont tous suffisamment bons pour qu’on croit à la notion de famille. Pour autant, et bien que Payne remercie qu’on puisse croire en l’alchimie, rien de particulier n’a été fait si ce n’est « travailler dur avec le directeur de casting pour trouver les bons rôles« . Et puis « le cinéma a cette capacité merveilleuse à mentir » pour qu’on y croit.
Il dit aussi qu’il « retravaillerait volontiers avec Shailene Woodley » qu’il a fait découvrir dans The Descendants. « Je n’ai pas vu ses films récents mais c’est une actrice formidable, très belle et talentueuse ».

Il était évident qu’il fallait évoquer Bruce Springsteen à un moment de l’interview. Le titre du film fait évidemment penser à l’album éponyme du Boss mais au delà les personnages, très américains, semblent être sortis d’une chanson de Springsteen ou d’un auteur compositeur comme Woodie Guthrie ou Pete Seeger. Le réalisateur n’a pourtant pas vu cette connexion, il « n’a jamais pensé« . « Pour être honnête, je n’ai jamais pensé à Springsteen et je ne connais pas très bien l’album que je n’ai pas écouté depuis vingt ans ». « Je vois quand même pourquoi vous pouvez faire cette connexion » me répondit-il.

Parlant du cinéma en général, Alexander Payne avoue avoir beaucoup apprécié récemment autant Amour que Ida ou La Cagé Dorée présentée à Cannes. En rigolant, il dit avoir aimé Intouchables alors qu’il s’attendait « à un film très commercial« . « Je ne l’ai pas vu pendant des mois, pensant que ce serait trop commercial pour moi, je l’ai aimé. »
« Je préfère le cinéma » [à la télévision], précise-t-il. « Le cinéma permet de faire des choses plus précises, on ne tourne que deux pages de scénarios en une journée contre huit à la télévision » Mais il reconnait que la télévision a des avantage « comme Breaking Bad ou the Killing » et qu’elle permet de développer des personnages sur une longue période « par couches, comme des oignons« . Même si ça fonctionne « en six heures, le Parrain aurait pu être très bon avec soixante heures d’images » à la télévision. Payne conclut sur le sujet en précisant qu’il préfère aussi le cinéma pour le coté « groupe d’humains », les gens « n’allant plus à l’église, ils vont désormais au cinéma pour être ensemble ».

Nous avons conclu sur ses projets à venir. Payne dit « travailler actuellement sur un scénario dont il ne peut pas dire grand chose parce qu’il est encore fragile ». Le projet d’adapter Wilson, la bande dessinée de Daniel Clowes, est lui complétement abandonné. « Peut-être qu’un autre réalisateur reprendra le scénario ». The Judge’s Will est par contre bien un projet en chantier. « C’est un article publié par Ruth Prawer Jhabvla dans le New Yorker, qui se déroule en Inde mais que je vais transposer aux Etats Unis ».
« J’aimerais aussi faire des films de genres différents, pourquoi pas un western ». Une belle occasion pour rebondir sur son travail sur Jurassic Park 3, pour lequel il écrivit le scénario il y a plusieurs années. Songe-t-il à travailler à nouveau sur un film à gros budget de ce genre ? Payne évoque alors les films de série B « qu’on ne fait plus ». « Il y a trente ans, on faisait des films de poursuite avec des budgets ridicules et on les appelait indépendants. Maintenant, ce sont des films Nebraska qui sont qualifiés comme tel et on ne sait même pas s’ils sortiront. J’adorerais faire une vraie série B, un film d’horreur par exemple. » Et revenir à une franchise comme Jurassic Park ? Un film de super héros ? « C’était un travail qui m’a pris quatre semaines, j’ai gagné plus d’argent avec ce job qu’en réalisant trois films ».

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