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Critique : Valley of Love

Le Champs Elysées Film Festival démarrera ce mardi sur la plus belle avenue du monde avec un programme riche de films indépendants américains, d’avant-premières et de reprises de grands classiques, le tout en présence notamment du maitre William Friedkin.

Le festival s’ouvrira sur Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunissant Isabelle Huppert et Gérard Depardieu. Prévu en salles le 17 juin prochain, le film avait été préalablement montré à Cannes.

 

LA CRITIQUE

Pour son dixième long-métrage présenté en compétition au Festival des Cannes, le réalisateur du Poulpe et de La Religieuse nous aura emmené très loin, aux États-Unis plus précisément. Sa caméra y accompagne les mythiques Isabelle Huppert et Gérard Depardieu, visitant différents coins de la célèbre Vallée de la Mort. Les deux se retrouvent dans cet endroit hostile pour faire une sorte de pèlerinage, en attendant une apparition surnaturelle de leur fils qui s’est suicidé quelques semaines auparavant. Ce dernier leur a donné des instructions précises à suivre pour que ces parents le retrouvent une dernière fois.

C’est en partant de ce pitch surprenant que le réalisateur Guillaume Nicloux nous embarque dans une ballade morbide entre deux mondes qui se révèlera progressivement lumineuse. Comme notre Gégé, l’ambiance étouffante de Valley of Love nous pèse dès le départ. Au premier plan, tout semble éthéré avec Isabelle Hupert de dos, nous trainant nous et sa valise derrière elle autour de ce petit motel de l’est de la Californie. On croirait à du Terrence Malick sans les longues envolées lyriques et la recherche de virtuosité des plans d’Emmanuel Lubezki. Valley of Love est sobre en effet, simple et posé. Cela étant, l’épuration de sa mise en scène n’en traduit que mieux qu’elle soit méticuleusement millimétrée. Malgré tout, il ne fait aucun doute que le long-métrage tient surtout grâce à son duo de stars.

Tantôt glacials tantôt véhéments, les échanges entre les deux parents divorcés de longue date cèdent lentement à la nostalgie douce-amère du couple qu’ils formaient avant. Ils ne savent pas vraiment ce qu’ils font là. Quelle idée de se retrouver dans la Vallée de la mort pour y trouver la vie avec une renaissance improbable de leur fils défunt ? Pourtant, une force indicible les a fait voyager jusque dans ce désert aride et désolé. Le jeu d’Isabelle Huppert est tout en sobriété et Guillaume Nicloux nous rappelle que Gérard Depardieu est un très très grand acteur, alors que beaucoup (notamment en France) avaient tendance à l’oublier. Sa présence à l’écran est autant physique que charismatique. Son allure grotesque d’un gros bonhomme imposant essoufflé et toujours en sueur relève les stigmates d’un corps marqué par le combat d’une vie.

Mais le plus dérangeant dans ce rôle sera cette étrange sensation de malaise vis-à-vis du rapport de l’acteur à sa propre vie privée. Déjà que les deux personnages portent leurs mêmes prénoms, on ne peut s’empêcher de repenser alors à la tragique disparition de son fils Guillaume en 2008. Une chose est certaine, Valley of Love est bien un drame de l’intime. L’une des scènes les plus poignantes restera celle où chacun lit la lettre de l’autre à l’autre, quand le manque de réaction de Gérard se confronte aux larmes et nausées d’Isabelle. Chacun évoluera à sa manière au fil des jours qui s’égrainent dans ce trou perdu où le décor tient le troisième rôle car, quand il n’est pas coincé dans les étroits corridors du motel local, le film erre entre au milieu de ces vastes paysages désertiques pour mieux y perdre ses acteurs.

Valley of Love en désarçonnera plus d’un, c’est une évidence. Si le postulat de départ reste très terre à terre, avec cet acte de contrition vu comme une punition par ces deux parents, Guillaume Nicloux saura ménager sa frontière avec le fantastique lorsque les premiers doutes sur la possible résurrection annoncée de leur fils disparu entreront en scène. Cependant, nous n’en serons pas des témoins directs. Jamais. Toujours, Nicloux fuira les effets de manche surnaturels. Le réalisateur restera fidèle à sa mise en scène et laissera à la seule intimité de ses personnages leur rencontre probable avec le fantôme de Michael. Le plus frustrant, pour certains, sera la fin très abrupte du long-métrage qui, si l’on n’a pas su percer son propos, donnera l’impression de manquer d’une conclusion.

L’arythmique Valley of Love est pourtant une œuvre complète. Avec ses deux excellentes têtes d’affiches, Guillaume Nicloux nous livre là un touchant film sur le deuil, tout en pudeur.

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