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Critique : Mister Babadook

Après avoir effrayé Sundance, Mister Babadook continue de tracer sa route en festivals. Nous avons donc eu le plaisir de le voir à Lyon lors d’Hallucinations Collectives.

A Gerardmer, le film signé Jennifer Kent est reparti avec pas moins de quatre prix : Jury, Jury Jeunes, Critique Internationale et Public. Autant dire que le public vosgien était unanime.

Mister Babadook sortira le 30 juillet prochain dans les salles.

 

 

Mister Babadook – Sortie le 30 juillet 2014
Écrit et réalisé par Jennifer Kent
Avec Essie Davies, Noah Wiseman
Depuis la mort brutale de son mari, Amelia lutte pour ramener à la raison son fils de 6 ans, Samuel, devenu complètement incontrôlable et qu’elle n’arrive pas à aimer. Quand un livre de contes intitulé Mister Babadook se retrouve mystérieusement dans leur maison, Samuel est convaincu que le ‘Babadook’ est la créature qui hante ses cauchemars. Ses visions prennent alors une tournure démesurée, il devient de plus en plus imprévisible et violent.
Amelia commence peu à peu à sentir une présence malveillante autour d’elle et réalise que les avertissements de Samuel ne sont pas peut-être pas que des hallucinations…

 

Premier long-métrage de la réalisatrice australienne Jennifer Kent, Babadook se présente comme une relecture horrifique du conte pour enfant. À vrai dire, l’objectif principal du film repose dans la déconstruction émotionnelle d’un traumatisme initial à travers le prisme du film d’horreur. Commençant comme le petit dernier du genre de « home horror », dans lequel les personnages doivent survivre dans un environnement clos (on se souvient des récents Insidious, Sinister, etc…), Babadook glisse progressivement vers l’exploration de la psyché du survivant. En effet, la scène d’ouverture nous présente l’accident de voiture qui viendra conditionner l’évolution du récit : point de départ du film, mais aussi jour de la naissance du petit garçon et du décès de son père, cet accident catalyse toute la matière émotionnelle qui sera explorée tout au long de l’histoire.

Mister Babadook, l’antagoniste horrifique que l’on s’attend à rencontrer à chaque recoin de la maison, est en réalité un personnage qui surgit d’abord dans un livre pour enfants aux tonalités malsaines et inquiétantes. Nourrissant l’imagination d’un petit garçon qui doit vivre sous l’ombre d’un père qu’il n’a jamais connu, ce boogeyman restera en réalité une figure plutôt distante. Même si son allure graphique allie simplicité et puissance d’évocation (c’est une silhouette impersonnelle munie d’un haut-de-forme et de griffes gantées), Kent réussit haut la main un pari que passent tous les réalisateurs du genre, à savoir créer un univers anxiogène sans avoir recours à des effets formels poussifs.

Pour être plus explicite, la réalisatrice installe une atmosphère extrêmement tendue au fur et à mesure que le récit évolue, à tel point qu’il devient simultanément impossible de décrocher le regard de l’écran et insoutenable de continuer à regarder. Il convient de souligner avec insistance que Jennifer Kent n’utilise pas le moindre jumpscare sur toute la durée de son film. Pas un seul. Chaque opportunité d’insertion de ce mécanisme éculé est soigneusement contournée pour continuer d’écharper la capacité de résistance du spectateur, qui se retrouve obligé de tester sa patience, alors que les jumpscares servent généralement de sas de dépressurisation qui font évacuer la tension après un sursaut plus dû à la surprise qu’à la peur.

Si cette dernière est si incisive dans Babadook, c’est qu’elle est générée grâce à des processus psychologiques, qui font des deux personnages principaux (la mère et l’enfant), les acteurs de leur propre malheur, et non les victimes aléatoires d’un tueur en série quelconque. Ici, l’horreur vient des personnages eux-mêmes, de leur incapacité à surmonter des tourments tellement profonds (l’absence paternelle et le deuil amoureux) qu’ils remodèlent le microcosme d’une cellule familiale qui risque de s’autodétruire.

Si tout ce développement fonctionne, c’est que le film s’en donne les moyens, et qu’il offre à ses personnages une épaisseur qui leur permet d’exister. L’exposition pourrait à ce titre paraître un peu lente, et ce n’est pas totalement faux, mais elle a le mérite d’introduire de nombreuses questions bien réelles, parmi lesquelles la meilleure manière d’aborder le problème des enfants effrayés par les monstres dans le placard, et dont la phobie a des conséquences dramatiques sur la vie sociale.

Cependant, les choix narratifs de Kent l’empêchent d’éviter quelques écueils assez courants dans les premiers films, et plus particulièrement le souci de transparence qui parcourt le métrage. Ainsi, la répétition de la problématique vient plusieurs fois ralentir le récit, qui accuse par conséquent de sérieuses baisses de rythme dans son dernier quart. Heureusement, le film est porté par deux acteurs de talent, qui nous permettent de s’accrocher aux personnages et de croire sans retenue au combat déchirant qui se déroule en leur fort intérieur.

Comme la peur du jumpscare conditionne le public dans une expectative éreintante, la peur de la guérison définit les personnages, qui s’embourbent dans un cercle vicieux et masochiste de souffrance émotionnelle sans fin. Si Babadook est un film qui n’adopte aucune subtilité dans son propos, il a le mérite d’offrir un éventail de questionnements sur les problèmes d’intégration sociale des enfants affectés par leurs peurs primales, et sur les adultes qui se refusent ou sont incapables de se reprendre en main. Une horreur humaine et pertinente, susceptible de se cacher en tout un chacun. Et surtout, une petite bouffée d’air frais dans le paysage horrifique actuel.

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4 Comments

  • par EagleWolf
    Posté samedi 3 mai 2014 11 h 17 min 0Likes

    Curieux de la voir celui-ci.

    ps : une « bouffée » dit-on.. et pas ‘une petite « bouchée » d’air frais’ ! ;)

  • par jnk12
    Posté mardi 6 mai 2014 1 h 55 min 0Likes

    http://www.lepasseurcritique.com/critique-film/the-babadook.html

    Sur cette critique, ils parlent pourtant bien de jump scare. On en trouve d’ailleur dans le court métrage monster dont le film est le prolongement.

  • par Arkaron
    Posté mardi 6 mai 2014 18 h 14 min 0Likes

    Ah, il n’est alors pas impossible que certains m’aient échappé. Au temps pour moi si c’est le cas, mais quoiqu’il en soit, j’ai été frappé par la volonté de la réalisatrice à justement vouloir résister à la facilité, tant elle n’offre pas de gros sursauts avec sound design stridents et fugaces. A vérifier avec assiduité et plaisir dès la sortie en salles. :)

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