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Critique : Strictly Criminal

Sorti mi-septembre aux USA, Black Mass débarque enfin chez nous sous le titre Strictly Criminal (ou comment, une nouvelle fois, traduire un titre anglophone par un autre).

Ce qui s’annonce comme le retour aux affaires de Johnny Depp sort malheureusement coincé entre un Pixar, un Terrence Malick et les Cowboys de Thomas Bidegain…

LA CRITIQUE

C’est dans une fin d’année 2015 chargée sort le nouveau film de Scott Cooper intitulé Strictly Criminal par chez nous et Black Mass par chez lui. Ce réalisateur américain a su se faire suffisamment remarquer pour s’émanciper de la foultitude de concurrents sortis du ciné indé US par son Crazy Heart de 2009. Remportant deux Oscars dès son premier long-métrage, dont un pour la performance de Jeff Bridges en chanteur de country déchu, Scott Cooper a depuis le vent en poupe sur la scène indépendante hollywoodienne. Deux ans après Les Brasiers de la colère, sur lequel il s’était offert un Christian Bale en quête de justice, le réalisateur américain s’accorde un autre performeur pour incarner l’un des mafieux contemporains les plus célèbres des États-Unis.

Cependant, l’acteur-muse de Tim Burton ne s’était plus fait désiré depuis plusieurs années, enchaînant les rôles multicolores improbables (de Alice à Charlie Mordecai) ou les fours colossaux au box office à l’instar du Lone Ranger de Gore Verbinski. C’était sans une certaine appréhension que fut la découverte de Strictly Criminal, sachant l’acteur sur une pente clairement descendante. Avant de rempiler au pays des merveilles et de la piraterie caribéenne, Johnny Depp prend donc le risque de se grimer à l’écran (peau vieillie et tachetée, une affreuse calvitie entourée de cheveux gris et des lentilles bleu-clair au fond des orbites) pour devenir Whitey Bulger, parrain des parrains de Boston l’irlandaise sur plusieurs décennies.

Après le drame d’un musicien abandonné et la vengeance d’un frère, Scott Cooper passe de l’autre côté de la loi en reconstruisant le parcours véritablement atypique de ce gangster qui, pour gagner de l’influence et vaincre la concurrence, aura passé un pacte avec le FBI. En échange d’informations importantes, Bulger gagnait une certaine immunité. Cette situation ubuesque lui conféra une liberté d’action inédite car, son frère (Benedict Cumberbatch) brigue le poste de sénateur et l’un de ses amis d’enfance (Joel Edgerton) est son contact privilégié au bureau fédéral. Une fois toutes les pièces en place, le massacre et les jeux dangereux purent commencer.

Il faut bien l’avouer. Il nous aura fallu pas moins de six années pour revoir un Johnny Depp incarner correctement, avec le talent qu’on lui connaissait, un personnage à l’écran. Étrange écho que sa dernière performance notable remonte à celle d’un autre grand gangster américain, John Dillinger, dans le Public Ennemies, de Michael Mann. Strictly Criminal nous permet enfin de le découvrir en dehors de sa horde de clowns bourrés qu’il a enchainé sciemment depuis. Si les lentilles le trahissent un peu, son travail d’interprétation de Whitey Bulger n’est ni feint, ni vain. Lors d’une conversation en voiture ou autour d’une table, Depp parvient à faire passer toute une gamme d’émotions rien qu’avec sa voix ou son regard. Néanmoins, malgré que Scott Cooper soit un réalisateur qui aime s’approprier ce type d’acteur hautement impliqué et surqualifié, il parvient rarement à laisser suffisamment de place pour que cette performance puisse prendre toute son ampleur, de peur de contredire sa méga star comme de voir son film dévorer par elle.

Pire encore pour Scott Cooper que d’avoir choisi le biopic classique autour de ce gangster qui régna longtemps sur Boston, car le grand Martin Scorsese s’était déjà approché de ce personnage avec celui de Frank Costello dans Les Infiltrés. À l’époque, Jack Nicholson avouait s’être inspiré directement de Whitey Bulger pour son rôle de parrain de Boston dans le long-métrage de Scorsese. Or, Sctricly Criminal ne tient pas la comparaison. Très classique, la mise en scène de Scott Cooper décolle très rarement ou seulement dans les grands accès de violence de Bulger (notamment une scène sur un parking où il liquide froidement en public une balance tel un Terminator). Le casting, la photographie, la musique… Tout est correct mais sent le déjà vu, le déjà fait. Cooper ne parvient pas à insuffler à son récit la dramaturgie nécessaire pour élever son film au niveau des tragédies policières américaines de Gray ou de Coppola. La seule bonne performance de Johnny Depp ne suffit pas à faire de Strictly Criminal une nouvelle référence du genre. Scott Cooper livre un film de gangster correct, mais pas mémorable pour autant.

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