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Critique : Split

Quand il n’enchaine pas les tournages avec Bryan Singer dans le rôle du jeune Professeur Charles Xavier, James McAvoy s’offre M. Night Shyamalan et un rôle qui ferait rêver tout un tas d’acteurs : celui d’incarner plusieurs personnages (ou ici plusieurs personnalités) en même temps.

Ca s’appelle Split, et c’est le nouveau long-métrage du réalisateur d’Incassable, deux petites années à peine après The Visit. Et Shyamalan oblige, on ne peut que très fortement recommander de rester jusqu’aux toutes dernières minutes…

 

LA CRITIQUE

Après une succession de bides publics et critiques, M. Night Shyamalan a su trouver un souffle nouveau à sa carrière.
En s’alliant avec le producteur prolifique Jason Blum, celui qui était considéré à une époque comme le digne héritier de Spielberg revenait à une forme de cinéma plus simple dans The Visit, un « Paranormal Activity chez les vieux » qui lui permis de renouer avec le succès.
Une collaboration qui continue de plus belle aujourd’hui avec Split, l’histoire d’un kidnapping un peu étrange où le ravisseur possède de multiples personnalités, et l’occasion peut être pour le cinéaste de renouer avec la flamboyance de Sixième Sens…
De son propre aveu, Shyamalan voulait avec Split s’entourer d’une jeune équipe pour renouveler sa méthode de travail en y injectant un peu de sang frais, afin d’être en apprentissage perpétuel.
Une façon comme une autre de rafraîchir son travail, surtout que le bougre n’a pas été chercher n’importe qui : outre le directeur de la photographie Mike Gioulakis, remarqué pour son travail sur It Follows, on retrouve le compositeur West Dylan Thordson dont on avait pu entendre le travail récemment sur Joy, ou encore Luke Franco Ciarrocchi dont c’est le deuxième long-métrage en tant que monteur après The Visit.
Une démarche saine il est vrai, à un détail près : Shyamalan reste le seul scénariste à bord, afin de garder malgré tout le contrôle total de son film sur le fond.

L’exposition de Split montre d’ailleurs que le bougre n’est toujours pas à court d’idées : le personnage joué par Anya Taylor-Joy est une jeune femme introvertie, exclue par ses camarades de classe et qui va se retrouver malgré elle au mauvais endroit, au mauvais moment, devenant victime d’un kidnapping dont elle n’était pas la cible première.
Dépassant son simple pitch du criminel ultra schizophrène, Split met en scène une héroïne sortant des sentiers battus dans le genre horrifique. D’un côté fragile, comme le montre son incapacité à bouger le petit doigt lorsqu’elle est terrorisée devant les évènements, cette jeune femme est aussi la seule du groupe à essayer de comprendre leur ravisseur, pour décrypter son mode de fonctionnement délicat. La qualité d’écriture de l’héroïne fait plaisir à voir parce qu’elle permet de s’y identifier rapidement, celle-ci étant tout à fait vraisemblable avec des réactions que l’on comprend aisément, sans parler du fait que cela permet de partager son regard sur la « bête » du film.
Le récit fait d’ailleurs le va et vient entre les scènes avec les 3 adolescentes enfermées dans une chambre lugubre et la psychothérapeute de Kevin, le fameux schizophrène incarné par James McAvoy. En s’étant basé sur une histoire vraie qu’il a quelque peu gonflé, Shyamalan multiplie les points de vue pour montrer le plus de facettes possibles à son énigmatique méchant, même si dans les faits, les 24 personnalités vendues dans la promotion tiennent bel et bien du coup marketing puisque moins d’une dizaine sont visibles dans le film.

Qu’importe les chiffres exacts, le principe de cet être versatile constitue une bonne idée puisqu’elle est un excellent moteur pour la tension narrative. Le personnage est une énigme à part entière, et au même titre que l’héroïne, on ne sait jamais complètement ce qu’il en ressort, si la personnalité mise en avant prend en compte tout ce qu’elle vit pour elle seule ou si elle le partage avec les autres, tout comme on se demande comment le bougre peut passer de l’une à l’autre, permettant à Shyamalan de brouiller les pistes, et de faire durer le suspense dans les dialogues avec les autres personnages.
James McAvoy joue une bombe à retardement, et le spectateur sait pertinemment qu’elle va exploser, mais ne sait pas quand, ni comment, tandis que la découverte de ces comportements variables a quelque chose de ludique, la dynamique avec la personne en face étant sans cesse renouvelée puisqu’il faut repartir de zéro à chaque personnalité du bonhomme.

Le scénario ne pouvant se permettre de faire durer éternellement la chose, on retombe bien trop vite dans les travers du film de kidnapping, et Shyamalan gère bien mal son virage en faisant basculer le récit dans la série B bourrine, le personnage de McAvoy partant en roue libre alors même que l’acteur le tenait à la perfection depuis le début, avec un jeu sur les gestes, les mimiques et les expressions faciales assez ample et impressionnant. Que la fin retombe dans des travers plus classiques, ce n’est pas tellement une surprise en soit vu le genre dans lequel on est. Reste que l’ensemble est emballé sans frissons particuliers pour n’importe quel amateur de ce genre de films, avec une mise en scène correcte certes mais jamais particulièrement stressante ou spectaculaire.

Là où ça devient gênant, c’est que le tout semble au service d’une scène finale dont on ne révèlera pas la teneur, mais qui s’avère des plus étranges dans ses intentions. On connaît le goût du réalisateur pour les conclusions chocs qui poussent à reconsidérer tout le film, et il en est de même ici, mais c’est à se demander quel est le but réel de la chose, tant on peut facilement y voir un coup marketing. Comme si le seul but de toute l’entreprise était d’amener à cette scène qui n’a par ailleurs pas grand-chose à voir avec l’histoire en soit, n’étant là que pour arracher au public sa surprise, presque au détriment de ce qu’il vient de voir une heure et demie durant. Et quelque part, si on est presque tenté de demander pourquoi, le cinéaste répondrait pourquoi pas ? Il n’aurait pas tort tant Split montre avant tout une croyance absolue de sa part dans la fiction et le pouvoir de celle-ci, le film faisant preuve d’une ferveur de chaque instant dans sa narration, le but de son créateur étant d’immerger le public dans son histoire avant tout. Si on ne peut reprocher une approche aussi bien intentionnée, le final n’en reste pas moins un cheveu sur la soupe qui semble vouloir s’approprier le film abruptement sans que ce soit nécessaire à ce dernier comme ça avait pu l’être par le passé, apportant une lumière nouvelle sur les évènements contés, mais quelque peu étrangère à ces derniers.

Tenu par un James McAvoy qui s’éclate dans les multiples peaux de son rôle, Split se gargarise d’un concept joueur et d’une héroïne plus complexe qu’il n’y paraît pour tenir sa première partie sans problème. Shyamalan peine à garder le cap et tombe dans les travers du genre un peu trop vulgairement, ce qui n’enlève pas une certaine malice à l’entreprise, parfois plaisante, parfois problématique…

Split, de M. Night Shyamalan – Sortie le 22 février 2017

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