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Critique : Marseille

Marseille de Dan Franck et Florent Emilio Siri est disponible sur Netflix en intégralité depuis ce jeudi 5 mai.

En amont de sa diffusion, une grande avant-première était organisée dans la Cité Phocéenne en présence du showrunner et des acteurs de la série, l’immense Gérard Depardieu en tête. Nous avons eu la chance de faire l’aller-retour pour aller découvrir les premiers épisodes quelques heures avant leur mise en ligne et assister à la conférence de presse…

 

Mercredi soir, la cité phocéenne recevait un événement de taille : la présentation de la première série originale produite par le groupe Netflix hors des frontières américaines. House of Cards, Orange is the New Black, Narcos, Daredevil, Sense 8… La pression des productions à succès précédentes était d’autant plus forte que l’attente suscitée par le projet sortant de l’ordinaire (un ordinaire hormis Canal Plus en terme de création de contenus audiovisuels originaux attractifs et innovants).

Netflix cherchant à exporter sa marque plutôt que l’image d’un média exclusivement américain, c’est le projet de la série politique Marseille porté par le producteur français Pascal Breton qui a été sélectionné pour poursuivre le rayonnement international du portail de VOD.

Vieux briscard de la politique, Robert Taro se voit affronter son premier adjoint aux dents longues dans une guerre de succession sans merci pour le poste de maire de la ville.

Pascal Breton s’est entouré de personnes talentueuses au CV solide. Tout d’abord Florent Siri, réalisateur de Nid de guêpes et Cloclo, se chargeant du poste de show runner et de mettre en scène la première moitié des épisodes. Thomas Gilou s’occupera des quatre épisodes restants. Dan Franck, qui avait signé le scénario de la mini-série Carlos ou encore Les Hommes de l’ombre pour France 2 était tout indiqué pour ce sujet.

Au casting, Gérard Depardieu pour incarner ce charismatique maire depuis 25 années consécutives, Benoît Magimel (fidèle de Siri) est le premier adjoint Lucas Barres qui tentera de faire tomber son mentor, Géraldine Pailhas et Stéphane Caillard sont respectivement femme et fille de Taro et Nadia Farès, alliée politique de Barres.

Tout ce beau monde était réuni pour la conférence de presse à laquelle nous avons la chance d’assister.

« La politique ne m’intéresse pas trop, mais les personnages m’intéressent » nous explique Gérard Depardieu qui avait rencontré Gaston Defferre et connaît Jean-Claude Gaudin qu’il qualifie de « deux grands personnages ». L’aspect saga familiale à rebondissement était plus mis en avant que l’intrigue politique qui sert plus de contexte à la série.

Il y a plusieurs Marseille, « plusieurs tribus » rappelle Depardieu, avec notamment « les quartiers nord qui kalachent à mort, qui flinguent ». « Marseille c’est une ville qui a une personnalité » explique le scénariste Dan Franck en évoquant ses premiers entretiens avec l’équipe de la municipalité. « C’est pas du Marseille bashing. Il y a, en effet, des cités, de la drogue, la mairie, la mer. C’est une réalité. »

Avant la mise à disposition, à minuit, de l’intégralité de cette première saison, nous découvrions en exclusivité les deux premiers épisodes de la série.

« Ratage », « accident industriel », « nul », la critique française et les premiers retours ont été très violents à l’égard de Marseille. Mais plus que les formules péremptoires qui claquent, ce sont plutôt de nombreuses questions qui nous occupèrent l’esprit.

Car comment une telle réunion de talents confirmés a pu aboutir à un résultat aussi décevant ?

L’impatience de découvrir la série Marseille n’explique pas seulement cette déception à cause de tous les espoirs que l’on avait pu mettre en elle. Florent Siri avait pourtant ramené sa fine fleur de techniciens aux postes clés. Or, nous assistons à une mise en scène sans audace, sans prise de risque. Plusieurs fois la caméra se perdra dans un cadre vide. La teinte grise très neutre de l’image semble à des années lumière du travail fabuleux du chef opérateur italien Giovanni Fiore Coltellacci, habituel de Siri. L’impression, en extérieur, d’un énième téléfilm lambda du jeudi soir, en intérieur, d’une sitcom sans texture. Les quelques effets de montage avec des cartons noirs ou de ralentis et une musique de nappes poussive n’arrangent pas ce manque cruel de subtilité dans la mise en scène de Marseille. Pourtant, le sublime générique, très classieux, nous démontre, bien au contraire, la présence d’un certain talent, indéniable, quelque part…

Manque de temps pour refaire d’autres prises ? Problèmes d’écriture ou de réécritures ? La direction d’acteur paraît inexistante. Magimel comme Depardieu donnent systématiquement dans le trop, d’autant que les dialogues ne sont pas à la hauteur. Pour cette projection en avant-première, nous avions les sous-titres affichés en Anglais sur l’écran. Il s’avère que si les échanges en français paraissaient caricaturaux et théâtraux ils sonnent bien en Anglais (tout du moins, à leur lecture). L’écriture à l’américaine de Marseille est relativement incompatible à l’écran pour nous Français. À savoir, comment le public international réagira en version sous-titrée ou doublée ? Cependant, américaine ou pas, l’écriture de tous les personnages féminins en présence est particulièrement catastrophique. Il est difficile de passer à côté de ce grave défaut qui plombe la série. Là encore, à qui la faute ?

L’intrigue politique est attirante, avec en jeu la construction d’un grand complexe immobilier en bord de mer autour d’un casino au départ. Conspiration, trahisons, assassinats sont monnaie courante et donnent une sensation curieuse par l’absence voulue de la police dans le récit. Dan Franck ne voulait « pas raconter Marseille comme ça ». La série nous oppose trois fronts : le politique, le familial et la rue en proie à la violence des petites frappes et des trafics. On ne ressent pas Marseille en tant que décor-personnage, non plus cette segmentation de la ville en différents quartiers bien définie. Il nous manque même une bonne définition de la mairie, ce lieu où tout doit se jouer, mis à part quelques pièces modernes et des bureaux anecdotiques.

L’intention de départ était de « mettre en lumière [la ville], de se servir de ses légendes, de ses contradictions de ses contrastes » comme nous le soulignait l’actrice marseillaise Géraldine Pailhas qui n’avait jamais encore eu l’occasion de tourner dans sa ville. Or, cette vision fantasmée de Marseille n’a pas eu les faveurs de premiers retours français. Étrangement, la série Narcos, autre série originale Netflix sur Pablo Escobar tournée en Colombie, avait trouvé un bon écho dans tous les pays sauf le sien. Les Colombiens ne se retrouvaient pas dans cette image jugée trop clichée de chez eux. L’accueil français à la série Marseille est majoritairement glacial. Trouvera-t-elle néanmoins son public à l’étranger comme Narcos ?

Diffusée dans 190 pays pour 90 millions d’abonnés, c’est tout le mal que l’on souhaite à la série de Pascal Breton, Dan Franck et Florent Siri, afin d’ouvrir la voie à d’autres projets français similaires malgré, ici, un résultat très décevant.

Marseille, de Florent Siri – le 5 mai sur Netflix

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