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Critique : Lou ! Journal Infime

Il aura la lourde de tâche de sortir en même temps que le nouveau film de David Fincher : le premier film de Julien Neel sera sur vos écrans le 8 octobre prochain.

Pour une fois, le scénariste et dessinateur de la bande dessinée originale a décidé d’adapter lui-même sa propre oeuvre. Et s’il a choisi une jeune comédienne que l’on reverra surement pour le premier rôle, il a confié les autres personnages à Nathalie Baye, Ludivine Sagnier et Kyan Khojandi, héros de la série Bref.

Plongée dans des cases devenues animées…

 

A l’origine, Lou! est une série de bandes dessinées créé par Julien Neel dont le premier tome, Journal Infime, est paru en 2004. Elle raconte, année après année, le quotidien d’une jeune fille que l’on voit grandir au fil des albums, passer d’une petite fille d’une douzaine d’année à une adulte en devenir avec tout ce que ça implique dans une vie.
Non content de créer un univers presque intemporel, Julien Neel choisit de faire grandir son héroïne d’épisode en épisode, offrant une véritable évolution du personnage en seulement six albums quand les plus grands héros de la bande dessinée restent statiques pendant des dizaines de tomes. Avec des personnages forts, de l’humour qui fait mouche, une pointe de fantastique et une incroyable capacité à retranscrire l’adolescence, Neel livre une bande-dessinée incroyable, que tout le monde devrait lire et pas seulement le public de Titeuf, justifiant largement les deux prix récoltés au Festival de la BD d’Angoulême.

Après avoir supervisé la série animée (diffusée sur M6), Neel ne lâche pas son bébé puisqu’il a choisi de réaliser lui-même la version cinéma. Un pari risqué puisque c’est pour lui un premier film, porté par une jeune actrice inconnue. Un pari néanmoins réussi.

Si vous n’avez pas lu Journal Infime, sachez que l’album s’ouvre sur une jeune fille sur le toit de son immeuble. Elle observe en secret un garçon qui vit en face, Tristan, dans une ville qui pourrait être la vôtre si son architecture n’était pas à tendance futuriste. Elle vit avec sa mère, qui ne fait pas grand chose si ce n’est élever sa fille et jouer à la GameCube. Lou va doucement s’interroger sur Tristan et ce qu’elle peut faire, tout en cherchant à remuer la vie de sa maman qu’elle voit larver dans le canapé familial, quand celui-ci n’est pas trusté par un chat (chat gris qui est sans doute le meilleur chat vu dans un film cette année, en passant).

Visuellement, Julien Neel travaille son film comme il dessine ses cases : avec grand soin. Les décors sont fouillés, et le production design vraiment réussi. On ne peut que se féliciter de voir qu’il n’a pas choisi de transposer ça dans un univers français lambda comme la facilité l’aurait permis. Lou! est un film soigné, coloré, joliment éclairé et très correctement filmé avec juste ce qu’il faut de dynamisme dans le choix des plans et le montage et de surnaturel dans son ambiance. Qui plus est, il est porté par un joli casting, Ludivine Sagnier en tête. La comédienne s’en donne à coeur joie dans le rôle de la maman-sans-prénom de Lou et retranscrit très fidèlement le personnage. Quand à la jeune Lola Lasseron, elle promène ses grands yeux bleus sur la vie comme le fait l’héroïne du film, avec justesse et un talent qui va en s’améliorant en avançant dans le film.

A la manière de la bande dessinée, ce Journal Infime version cinéma parle lui aussi de l’adolescence et de ses petites contrariétés, en faisant un parallèle d’avantage marqué entre l’évolution de la mère et celui de la fille. Julien Neel utilise le cinéma pour changer quelques petites choses mais garde la même justesse de ton que sur le papier, et l’on découvre avec le même genre de plaisir cette jeune fille qui se voit grandir. Le dessinateur devenu réalisateur joue beaucoup avec le visuel, préférant cet aspect à l’alignement de dialogues. Il va jusqu’à embaucher des animateurs japonais ayant travaillé sur la série Space Dandy pour réaliser plusieurs scènes de science-fiction, entièrement en animation et complétement décalées. La première d’entre elle, un générique qui résonne comme celui d’une série du Club Dorothée, vaut à elle-seule le prix de votre ticket de cinéma.

Mais malgré le travail colossal fourni pour se démarquer de la plupart des productions françaises actuelles filmées plan-plan dans des environnements sans intérêt, Lou! n’est pas sans quelques petites défaut. Certains seconds rôles débutants ne sont pas à la hauteur et le film affiche quelques problèmes de rythme. Comme c’est souvent le cas dans les adaptations, on veut tout y faire figurer (souvenez-vous de Harry Potter à l’Ecole des Sorciers par exemple). Julien Neel ne se contente donc pas d’adapter le tome Journal Infime mais il reprend également de nombreux éléments du Cimetière des Autobus et va jusqu’y glisser quelques références à Laser Ninja et L’Age de Cristal. La mule est donc chargée et les scènes s’enchainent vite, parfois trop. Qui plus est, certains éléments à tendance fantastique (comme la présence du garçon déguisé en grappe de raisin) peuvent décontenancer les spectateurs non-lecteurs de l’œuvre originale.

L’adaptation de Lou! au cinéma n’est donc pas aussi impeccable que la version de papier mais elle a un charme certain, aussi bien pour ceux qui vont découvrir l’héroïne sous les traits de Lola Lasseron que pour les lecteurs amateurs de cimetières d’autobus, même si on aurait aimé qu’il prenne de temps en temps un moment pour respirer. Quoiqu’il en soit, Julien Neel livre un premier film de qualité, se hissant par bien des aspects au dessus du lot, à la manière d’un Michel Gondry ou d’un Jean-Pierre Jeunet. Et il devrait permettre au public qui ne le connait pas déjà de découvrir l’univers de papier de Lou. Les autres, eux, attendent déjà la suite de l’Age de Cristal.

 

Lou! Journal Infime – Sortie le 8 octobre 2014
Réalisé par Julien Neel
Avec Ludivine Sagnier, Kyan Khojandi, Lola Lasseron
Lou est une jeune fille créative et rêveuse d’une douzaine d’années. Elle vit seule avec sa mère, Emma, qui a mis de côté sa vie de femme ces dernières années pour se consacrer à l’épanouissement de sa fille. Leur cocon confortable cache malgré tout quelques failles : Emma stagne et glisse doucement vers la mélancolie alors que Lou est obnubilée par Tristan son petit voisin, délaissant sa bande de copains… Leur bulle éclate alors qu’Emma entame une renaissance amoureuse et qu’un premier baiser fait rentrer Lou dans les années enivrantes de l’adolescence.

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