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Critique : Get Out

Etre quelques semaines de l’autre coté de l’Atlantique permet d’aller voir quelques films en avance sur les sorties françaises, dont le fameux Get Out de Jordan Peele produit par Jason Blum et que William Friedkin a qualifié « de grand film d’horreur qui terrifiera les gens longtemps après sa découverte »

Le film bénéficie d’une presse aussi incroyable que son bouche à oreille. Toute cette hype est-elle méritée ? Nous sommes allés vérifier.

 

LA CRITIQUE

Si le duo Key & Peele a déjà fait les beaux jours de Comedy Central récemment, la transition du duo comique vers le grand écran est plus incertaine. Leur sympathique bien qu’un peu faiblard long-métrage Keanu n’a pas rencontré un grand succès, et c’est surtout le grand guignol du duo, Keegan-Michael Key, qui multiplie les petits rôles, comme certains ont pu le constater récemment dans The Boyfriend ou prochainement dans The Predator de Shane Black.
Si Jordan Peele est plus discret, c’est pour une bonne raison : le bougre était en train de réaliser son premier film ! Et contrairement à ce qu’on pouvait croire, ce n’est pas une comédie, mais un film d’horreur, produit par Blumhouse et qui s’est permis un démarrage canon aux USA, montrant l’incroyable vitalité du producteur Jason Blum après le carton récent de Split. Tout ça voudrait donc dire qu’en plus d’être drôle, Jordan Peele sait faire peur ?

Le pitch de Get Out a pour lui sa simplicité : un jeune homme Chris s’apprête à aller en week-end dans la demeure familiale de sa petite amie, où il va rencontrer les parents de la douce pour la première fois.
Petit détail apriori anodin : ils ne savent pas qu’il est noir. Une caractéristique qui semble ne pas gêner la famille pour le moins du monde au premier abord, avant que certains signes étranges apparaissent au fur et à mesure du week-end…
Evidemment, comme le synopsis du film l’indique en gros, Get Out est là pour causer de racisme et pas qu’un peu. Sauf que Jordan Peele a décidé d’utiliser le film d’horreur, ou plutôt le thriller psychologique un rien décalé glissant petit à petit vers l’horreur pour parler de la chose. Et c’est une idée formidable tant le film colle au point de vue de son héros pour créer le malaise à partir d’un rien.

Dire que le long métrage y va toujours avec subtilité serait un rien mensonger tant Jordan Peele n’hésite pas par moment à y aller au bulldozer pour installer doute et gêne. Ainsi la famille a deux domestiques dans son humble demeure, qui ne manquent pas d’être eux aussi noirs. Le héros le remarque instantanément, et pourtant la famille désamorce tout de suite le malentendu au détour d’un dialogue en apparence sain.
En apparence seulement, le long-métrage jouant avant tout sur les idées préconçues et les préjugés apriori anodins qui minent pourtant le quotidien des gens de couleur. Ça part d’anecdotes apriori inoffensives, comme un oncle qui vient parler de golf au personnage principal parce que Tiger Woods…
Par petites touches, Jordan Peele fait comprendre combien le racisme est plus ancré dans les mœurs qu’elles ne veulent l’admettre, et créer une atmosphère étrange et inconfortable qui gonfle de plus en plus. Le choix du casting accentue cela, en prenant des têtes connues à contre-emploi tout en jouant avant tout sur leur bienveillance apparente, à l’instar d’une Catherine Keener terrifiante en belle-mère trop attentive.

Instillant le doute très rapidement, Jordan Peele a l’intelligence de ne pas limiter les clichés aux seuls blancs de l’affaire, et retourne certains gimmicks attribués à la communauté black contre son héros, par exemple lorsqu’il tente de fraterniser avec les rares noirs de l’entourage en empruntant un langage presque guetto, presque comme un geste d’auto-défense face à une suprématie blanche mise en avant dans le scénario. Un reflet de la société terriblement juste au final tant il montre les « torts » propres à chaque communauté, ce qui n’enlève rien au caractère militant d’une œuvre qui n’a pas froid aux yeux, et profite de son aspect assez inédit pour se lâcher dans un 3ème acte jubilatoire.
En prenant finalement l’homme blanc comme moteur dramatique de la tension du film, Jordan Peele en profite pour se venger de décennies de cinéma sans doute trop caucasien et ne retient pas ses coups, sans jamais que cela soit inapproprié vu le parcours anxiogène de son héros.

Certains diront qu’il y va un peu fort sur la fin, mais c’est toujours fait dans l’optique d’un cinéma d’exploitation libérateur qui parle à nos bas instincts tout en le faisant de façon presque morale face à la société actuelle. Un geste salvateur et couillu, qui permet à la construction narrative quelque peu prévisible de se fondre en crescendo jouissif. On se retrouve donc face à un projet de cinéma cohérent, malin et engagé, qui parvient à fusionner plaisir du spectateur et morale de l’histoire, sans perdre de son mordant. Pour un premier film venant d’un comique, il faut bien avouer que la surprise est belle et bien énorme.

Get Out, de Jordan Peele – Sortie le 3 mai 2017

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