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Lou! : Rencontre avec Julien Neel & Lola Lasseron

A l’occasion de la sortie de Lou! Journal Infime, nous avons eu l’occasion de réaliser deux interviews. Voici la première.

Avec le réalisateur du film Julien Neel et la comédienne principale Lola Lasseron, nous évoquons longuement le personnage de Lou, de la BD au cinéma, le casting, les références fantastiques et l’influence du dessinateur devenu cinéaste. Il dévoile également quelques références à la pop culture qui ponctuent son film.

Lou! sort le 5 octobre.

D’où vient Lou ?
Julien Neel : Quand j’étais petit, je lisais beaucoup de bande dessinées : du franco-belge, des comics puis des mangas. Ce qui m’a intéressé dans le manga, c’est qu’il segmentait différemment. Il y avait du shonen pour garçons comme les clichés y font penser mais ils font aussi des comédies romantiques, des histoires familiales. Il y avait des thématiques sociales ou romantiques utilisées qu’on voit peu dans la BD franco-belge. J’étais aussi baigné par de la BD plus indépendante, que ça soit américaine ou française. L’idée était de faire un mix de tout ça.
Et puis je venais d’avoir une petite fille. Il y avait Loft Story à la télé, et je me suis dit qu’elle allait grandir dans un monde où on propose ça comme divertissement. En tant qu’auteur, j’avais la responsabilité de faire un truc valorisant pour les enfants. Je réfute l’appellation de BD pour fille, l’héroïne en est une parce que je venais d’en avoir une mais je ne veux pas d’un truc segmenté.

Auriez-vous accepté que la BD soit mise en scène par quelqu’un d’autre ?
Julien Neel : Non ! J’avais fait une série animée dans laquelle la mise en scène et l’écriture m’avaient échappés. C’était donc la condition sine qua non à ce que je fasse l’adaptation du film, condition acceptée par le producteur. Au delà, j’ai toujours songé à faire de la mise en scène. Même avant de faire de la BD, ça me titillait de raconter des histoires quel que soit le média. C’était donc une belle opportunité de passer au cinéma.

Si on vous dit que c’est un conte, est ce que vous acceptez le mot ?
Julien Neel : Oui, pourquoi pas… [Il réfléchit]. Un conte un peu bizarre alors puisque le genre obéit à des règles narratives assez strictes. Mais oui, on n’est pas dans la vérité ni dans un récit qui colle à notre époque. Il y a une volonté de proposer un univers intemporel, qu’on ne peut pas vraiment situer, avec un flottement fantastique au service des sentiments et de l’intimité des personnages. Dans un conte, il y a un parcours, un accomplissement. Ici, on finit avec plus de questions que de réponses.
Ce qui m’intéresse, c’est de poser des questions aux gens, de les faire voyager dans un univers dans lequel ils se sentent bien, avec des personnages qui passent d’une émotion à une autre.

Lola, comment s’est passé la collaboration avec Julien ?
Lola Lasseron : C’était cool. Julien est super gentil.

Julien Neel : Quand j’ai rencontré Lola, j’ai trouvé qu’elle était très contrastée. Elle a une palette de sentiments et d’expressions très variées. Ca m’intéressait pour Lou.

Lola Lasseron : Je fais souvent des plans tordus comme elle, je suis aussi rêveuse.

Comment s’est passé le processus créatif, le passage du papier à l’écran ?
Julien Neel : C’était très différent puisque pour la BD je suis tout seul sur ma table. Je suis responsable de tout. Pour le film, j’ai dû travailler avec une équipe, qui ont créé les décors, les costumes… Il faut re-disséquer ce qui a été fait, retrouver les raisons pour lesquelles j’ai utilisé tel décor, tel costume, telle couleur. Et ensuite il faut l’expliquer.
J’ai par exemple travaillé avec quelqu’un de formidable sur les décors, Sylvie Olivet. Je lui ai parlé d’un milliard de choses, de narration, de ressenti, d’influences, etc. Et ensuite on passe au concret. L’avantage, c’est que je dessine donc je peux facilement exprimer mes idées. Ensuite les gens proposent des choses, parfois mieux que ce qu’on avait en tête, parfois des choses auxquelles on n’avait pas pensé. Et là, ça prend forme.
Ca fonctionne de la même manière avec les acteurs, jusqu’à ce que le personne se mette à vraiment exister.

Il y a des références fantastiques tout au long du film. Dans la BD, l’aspect fantastique arrive doucement dans le tome 3 mais surtout dans « L’Age de Cristal ». Vous n’avez pas peur de décontenancer le spectateur ?
Lola Lasseron : Mes amies ont vu le film sans connaitre la BD et n’ont pas du tout été perdues.

Julien Neel : J’évolue doucement vers une sorte de mysticisme un peu bizarre, avec des énigmes, des choses cachées. Le film se situe dans ma vie artistique à un moment où ça m’amuse d’en parler. Je ne me suis donc pas posé de questions. Après, c’est amusant de caler des easter eggs, des private jokes, des références. En tant que lecteur, je suis à fond là-dessus. Et puis je sais que les gens relisent les albums donc c’est amusant de faire un jeu de piste autour de ça

Pouvez-vous nous parler des séquences animées du film ? Et connaissez vous la série animée japonaise Space Dandy ?
Julien Neel : Je suis hyper fan de Space Dandy. Il y a des animateurs de Sidera qui ont travaillé sur la série d’ailleurs. On a commencé à travailler sur les séquences sans avoir vu la série mais il y a des influences communes.
J’ai travaillé avec Catfish Studio, qui sont quatre copains, réalisateurs et auteurs de BDs. On a le même genre de délire autour de la science-fiction, avec des influences à la Cobra, des monstroplantes… On est parti du principe que la mère de Lou n’a pas énormément de culture et qu’elle a construit son roman à partir de ce qu’elle a vu, quelque chose de très brut mais plein d’influences. Je pense que c’est un peu la même chose avec Space Dandy, des auteurs de notre génération qui ont envie de revoir de la science-fiction décomplexée pas forcément réalistes.
Et il se trouve donc que certains animateurs japonais de Space Dandy ont bossé sur Sidera, comme de plus anciens animateurs ayant travaillé sur des choses comme du Ghibli, Lupin…
On n’est pas allé au Japon mais on a bossé avec une boite qui s’appelle Yapiko et qui a fait le lien entre le Japon et la France.

C’est votre première expérience en tant que réalisateur. Comment ca s’est passé ? Ce sont deux métiers différents.
Julien Neel : J’avais fait des petites choses en animation. Ce sont deux grammaires différentes. Par exemple, le cadre en BD est une façon de symboliser la durée du plan. En BD, on compose le cadre par rapport au rythme. Au cinéma, le temps est défini par les 24 images/secondes. Y a des troncs communs entre les deux univers : une histoire, des personnages…
J’ai appris ça, comme la BD, sur le tas. J’ai quitté l’école jeune, je suis autodidacte, je lis beaucoup et même avant de faire du cinéma je m’étais intéressé à cette grammaire. Quand j’ai su que j’allais faire le film, j’ai passé la seconde. J’ai regardé tous les Hitchcocks possibles en les redessinant plan par plan. Je me suis aussi entouré de professionnels, dont mon premier assistant Nicolas Cambois, pour lequel j’ai un énorme respect. Ma chargé de production, Sylvie, était incroyable aussi. Tout ça est une machine qui roule parfaitement, je n’avais plus qu’à me consacrer à la mise en scène, et à la narration.

Quelles sont vos influences cinématographiques ?
Julien Neel : A part Hitchcock et des choses très classiques, beaucoup de comédies des années 50 notamment avec Billy Wilder. Par contre, j’ai arrêté de regarder des films contemporains pour ne pas me faire influencer. J’adore Bruno Podalydès, je suis totalement fan de Quentin Dupieux aussi. Mais sinon j’ai plus une culture de films d’animations et de bande dessinées. Je ne suis pas boulimique de cinéma.
Mais Hitchcock est beaucoup revenu. Quand je fais de la BD, je pense beaucoup à Hergé. Là, c’était Hitchcock. C’est simple et brillant, toujours au service de la narration. Et beaucoup tourné en studio, ce que j’aime beaucoup, ça donne un rendu particulier notamment en terme d’éclairage.

Si le succès est au rendez-vous, est-ce que vous prépareriez une suite ?
Lola Lasseron : On espère !

Julien Neel : Je suis plus énigmatique sur le sujet. Mais si le film plait aux gens, qu’il y a une demande, ce ne serait pas incohérent de faire un deuxième film.

Lola, est-ce que tu as été consultée pour les tenues que tu portes ?
Lola Lasseron : Il n’y a qu’une seule tenue que je n’ai pas aimé, une jupe léopard avec plein de motifs animaux un peu spéciale. Comme le dit Ludivine Sagnier, une fois qu’on enfile le costume on est dans le personnage donc ça m’allait. Je vais peut-être garder une tenue du film, j’ai beaucoup aimé celle avec un pantalon noir et blanc, un short par dessus et un tshirt avec des ours.

Tu as passé un casting pour le rôle ?
Lola Lasseron : Oui ! Si on compte les réseaux sociaux, il y a eu 2000 demandes.

Julien Neel : Il y a eu beaucoup de demandes. La directrice de casting a dû écrémer pour me proposer des choses. C’était un gros boulot.

Lola Lasseron : Je suis dans une agence pour faire des films, et j’ai été surprise parce qu’on propose rarement des premiers rôles aux enfants. J’avais lu la BD alors j’étais hystérique quand j’ai appris que j’avais le rôle.

Julien Neel : Lola m’a séduite par son naturel. Elle est parfois intimidée, et se met à parler très vite et à dire n’importe quoi. Ca correspondait à ma recherche.

Évoquons la BD. La série touche a sa fin, il reste deux albums. Est-ce que vous avez la fin en tête et est-ce que vous songez déjà à un nouveau héros ?
Julien Neel : Il reste deux albums de Lou à faire, et c’est beaucoup de travail. J’ai tellement de plaisir à faire Lou, le film et le Viander de Polpette… Je dois encore faire deux albums de Polpette qui sera une trilogie, les deux derniers Lou, ca va prendre quatre ans. Du coup, je ne me projette pas sur d’autres projets, d’autant que je fais plein de petites choses à coté pour mon plaisir.
C’est aussi pour ça que la série dérive maintenant. J’ai pas envie d’être le mec qui dessine Les Tuniques Bleues toute sa vie, qui a envie de faire de la SF et qui ne peut pas. J’ai envie de faire une histoire différente, j’essaye de l’inclure dans ce que je fais.
Le premier tome de Lou correspondait à ce que je voulais faire pour moi, ma famille. J’essaye de garder ce cap-là.

Vous avez plusieurs casquettes. Est ce que vous préférez l’une ou l’autre et songez-vous à un univers étendu ?
Julien Neel : C’est amusant de passer d’un métier à l’autre. Là on a fait deux livres : une novelisation que j’ai illustrée un peu comme les pages de garde de la BD et un bouquin making of. La novelisation rappelle les albums des films comme j’ai pu avoir étant petit ceux de Tintin, les Oranges Bleues ou la Toison d’Or. Ils sont au même format, il y a des photos de Jean-Pierre Talbot. J’adorais ça étant petit, je suis donc ravi de l’avoir fait pour Lou. Et j’adore passer d’un univers à l’autre. Maintenant je vais faire un opéra-rock et un spectacle musicale [rires]

On peut dévoiler quelques easter-eggs du film ?
Julien Neel : Pour les vrais fans hardcore de Lou, il y a une omniprésence de l’homme au poulet dans le film qui est un personnage culte un peu caché. Il y a des bribes d’indices de ce qui s’est passé dans l’Age de Cristal. La lettre « G » est partout aussi.
Il y aussi des clins d’oeils à Star Wars, à des jeux Nintendo, Mario, Zelda… Il y a beaucoup de choses cachées.

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